Félix Adégnika, expert en eau et assainissement de base au PDM


Par Alain Tossounon Rédigé le 30/08/2010 (dernière modification le 23/08/2010)

Le Bénin sera-t-il au rendez-vous des OMD dans le secteur de l’accès à l’eau potable? Pour les autorités centrales, le pari sera gagné mais pour certains acteurs et experts du secteur, il y a encore du chemin à faire. Dans cet entretien, l’expert en eau et assainissement de base au Partenariat pour le Développement Municipal (PDM), Félix Adégnika donne son avis. S’il marque son optimisme quant aux chances du Bénin d’être au rendez-vous de 2015, il ne cache pas son amertume de voir ce pays incapable de consommer les ressources mobilisées alors que les communes attendent un transfert de compétence. Pour lui, il faut renforcer les capacités à tous les niveaux et réaliser le transfert des ressources aux collectivités locales.


Pensez-vous que le Bénin peut atteindre les OMD dans le sous-secteur de l’eau?

Félix Adegnika, expert eau et assainissement au PDM (c) Le Municipal
On doit situer cela sur deux points. Les autorités en charge de l’eau disent que le Bénin va atteindre les Objectifs du Millénaire pour le Développement dans le sous-secteur eau. Mais, la réalité sur le terrain démontre le contraire. Globalement, les OMD sont des références. C’est pour qu’on puisse mieux faire et améliorer l’accès à l’eau. A l’étape actuelle des choses, l’Afrique au sud du Sahara atteindra les OMD en 2041 pour le secteur eau et pour l’assainissement, c’est en 2098, si on ne change pas notre système, notre approche ou notre méthodologie.
Pour des objectifs fixés en 2015, il y a encore un grand écart. Parlant globalement de l’Afrique, cette situation prévaut parce que les gens n’ont pas considéré le secteur de l’eau comme une priorité. Et vous savez qu’il y a huit objectifs pour les OMD. Si on arrivait à atteindre les Objectifs du millénaire dans le secteur de l’eau et de l’assainissement, on atteindra quatre autres objectifs. Cela veut dire que les gens n’ont pas pris conscience de ce secteur pour en faire une priorité.
Quand je reviens au Bénin, les autorités ont élaboré les politiques et une stratégie pour atteindre les OMD, on peut les mettre à leur actif. La voie a été balisée pour savoir ce qu’on peut faire et chaque année, on s'est dit qu’il faut environ 1 500 équivalents points d’eau par an pour atteindre les OMD. Et par rapport à cela, on a mobilisé la communauté internationale pour nous accompagner, ce qui a été fait. On a eu des budgets conséquents chaque année. Mais les raisons de nos inquiétudes sont liées au fait qu’on n’a pas fait du secteur, une priorité et qu’on n’a pas mis en place les éléments qui vont accompagner la stratégie par exemple, la décentralisation effective.
Le 7 juillet 2007, on était à mi-chemin. C’est une date que j’aime rappeler. Lorsqu’on a fait l’évaluation, on s’était dit qu’il faut ramener la balle à terre et recommencé. Mais, il se fait qu’au Bénin, ça ne prend pas. Le problème est à deux niveaux, soit on a surestimé notre capacité ou bien nous avons la mauvaise volonté. Mais, je ne veux pas croire que les gens soient de mauvaise volonté. Il fut une année où on a dit qu’on ne pourrait pas atteindre les OMD et cela, on le sent sur le terrain. Vous allez dans les localités de Djidja, à Pobè, à Bèmbèrèkè, vous voyez que les gens ont des difficultés à avoir l’eau. Ce qui nous fait mal et vous le connaissez, ce ne sont pas les moyens qui manquent. Les gens ont mis les moyens à notre disposition. Cela veut dire qu’on n’a pas l’expertise, on n’a pas la capacité de le faire. Quand je m’exprime ainsi, les gens pensent que c’est une question de personne. Je dis que si vous avez aujourd’hui l’argent dans le monde, vous pouvez tout faire. Voilà qu’on a l’argent et qu’on n’arrive pas à faire les forages, à faire les extensions, à amener l’eau où il faut. Donc, il y a problème par rapport à nos capacités. En plus, si l’Etat en avait fait une priorité, on pourrait dégager les contraintes et voir ce qu’il faut faire.

Le transfert des ressources aux communes apparaît comme une alternative pour accélérer l’atteinte des OMD. Pourquoi, jusqu’à présent rien n’est fait ?

J’ai lu dans un article de journal, que le transfert des ressources aux communes sera effectif en 2010. Tout est annoncé. Mais quand on voudra réaliser ce transfert, on se rendra compte qu’on ne l’a pas préparé. Et on va se retrouver fin 2010 et les autorités vont dire que les communes ne sont pas prêtes. Ce qu’on aurait pu faire, c’est de les préparer comme l'ont fait certaines ONG telle PROTOS dans l’Atacora et le Mono-Couffo. Dans le cadre de cet appui, les fonds mis à la disposition des communes, sont consommés à 98% et les autorités locales se sont engagées comme si elles n’avaient que cela à faire. C’est une réussite. Si on fait le pas, c’est tout le monde qui gagnera parce qu’on ne va plus les accuser de ne pas consommer les crédits. En décembre 2010, je parie qu’on dira, nous avons voulu transférer mais les communes ne sont pas prêtes. Pour cela, il faut renforcer les capacités et l’approche budget programme constituent un précieux outil, même s’il y a des obstacles qui apparaissent.





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