Interview de Boris Ravignon


Par Rédigé le 17/08/2016 (dernière modification le 16/08/2016)

Boris Ravignon, 41 ans, a été élu maire de Charleville-Mézières, la préfecture des Ardennes, en 2014. Auparavant, cet énarque fut aussi conseiller en développement durable de Nicolas Sarkozy entre 2007 et 2012. Celui qui se revendique comme un "énarque normal", a commencé en politique en militant, en 2002, pour François Bayrou.


Boris Ravignon. Photo (c) Guillaume Maréchal

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"Cela m'a vacciné. En 2004, j'ai écrit à Nicolas Sarkozy pour lui dire que je voulais travailler pour lui. Il m'a embauché". Depuis, cet ancien inspecteur des finances, qui fut pendant plusieurs années chef de file de l'opposition municipale à Charleville, où il a passé sa jeunesse, a réussi à ravir la mairie carolomacérienne pourtant tenue par la gauche depuis plusieurs décennies. En vacances en Allemagne, il revient sur son parcours et sur sa façon de voir la politique.

Vous êtes maire depuis deux ans, est ce que la fonction correspond à ce que vous attendiez? Qu’est-ce qui vous a le plus surpris, aussi bien positivement que négativement?


Je suis extrêmement heureux dans les fonctions qui sont les miennes depuis deux ans. C'est aux Carolomaceriens qu'il reviendra de juger les résultats de notre action. Mais toute l'équipe est heureuse, je crois, et motivée de travailler à améliorer la vie de nos concitoyens. Je n'avais aucune idée préconçue sur ce mandat et je ne suis donc ni surpris ni déçu. Je suis là pour agir.

Pourquoi avoir candidaté dans les Ardennes aussi bien aux législatives qu’aux municipales? Que représente ce département pour vous?


Je suis né à Charleville-Mézières il y a 40 ans. J'y ai toujours vécu. Mes racines sont ici. Je n'ai jamais envisagé de m'engager ailleurs que dans notre territoire. J'aime les Ardennes et les Ardennais, qui n'ont pas aujourd'hui le sort qu'ils méritent. C'est cela qui a toujours motivé mon engagement politique.

Vous avez longtemps collaboré avec Nicolas Sarkozy, la politique nationale ne vous manque pas?

Servir au cabinet du Président de la République fut une grande chance pour moi. J'y ai beaucoup appris et cela m'a aussi permis de débloquer des dossiers fondamentaux pour les Ardennes comme la construction de l'A304 début 2012 ou le sauvetage du 3e RG alors que l'état-major voulait le supprimer en 2009. Mais j'ai toujours affirmé, à Nicolas Sarkozy lui-même, que je trouvais la fonction de conseiller frustrante et que mon objectif était de devenir un élu des Ardennes. Agir ici pour changer les choses est bien plus important pour moi que de travailler sous les ors de la République.

Le passage de l’Élysée à la mairie de Charleville fut-il facile? Vous a-t-il fallu un temps d’adaptation?

Aucun. Une fois encore, c'est un immense bonheur pour moi de pouvoir travailler à redynamiser ma ville natale. Je suis très reconnaissant aux Carolomaceriens de m'avoir accordé leur confiance et je me lève chaque jour avec une motivation intacte.

Quelles sont vos ambitions dans le futur? Comptez- vous vous représenter aux législatives l’an prochain?

Contrairement à la position de Nicolas Sarkozy, je suis, pour ma part, très hostile au cumul d'un mandat parlementaire avec une responsabilité locale. Ce cumul, c'est une bizarrerie française avec laquelle il faut en finir. Maire d'une ville et député, ce sont deux mandats à plein temps. On ne peut pas les assumer tous les deux efficacement. Moi, je veux être un maire à 100%, pour développer Charleville-Mézières. Je n'ai donc aucune intention d'être candidat aux élections législatives en 2017.

Si Nicolas Sarkozy est réélu président, comptez-vous le rejoindre à nouveau? En tant que conseiller et pourquoi pas ministre?

Quelles que soient les circonstances, il est hors de question que j'abandonne les Carolomaceriens en cours de mandat. Ma prédécesseur l'a fait et je ne l'ai jamais compris (Claudine Ledoux, maire socialiste de la ville entre 2001 et 2013 a démissionné à un an de la fin de son mandat après avoir été nommée ambassadrice déléguée à la coopération régionale dans la zone de l'océan Indien, NDLR). Mes concitoyens m'ont accordé leur confiance. Je porte, avec mon équipe, un projet de développement pour notre ville et pour Ardenne Métropole. C'est cela qui mobilise et mobilisera toute mon énergie demain et jusqu'au dernier jour de mon mandat. Dans 10 ans, nous verrons bien. J'aurai alors pu mener à bien un certain nombre de projets qui me tiennent à cœur, comme le développement du campus universitaire dans notre ville. Mais Emmanuel Macron se trompe: on ne peut pas exercer efficacement des fonctions ministérielles sans avoir fait ses preuves sur le terrain.

Est-ce que les attentats de 2015-2016 et le contexte actuel (état d’urgence) ont changé votre façon d’exercer votre mandat? et votre façon d’envisager la politique?

Au-delà des préoccupations en matière de sécurité, la crise que nous connaissons rend encore plus indispensable de rassembler tous les habitants de notre ville, en évitant les divisions, les amalgames injustes et la désunion. C'est ce que visent clairement les terroristes qui nous frappent: diviser les Français selon qu'ils soient musulmans ou non. C'est pourquoi je pense qu'il est absolument dans mon rôle de maire de participer activement au dialogue entre tous les Carolomacériens, quelle que soit leur religion, leur origine ou leur couleur de peau. Personne n'est au dessus des lois dans notre république, mais personne ne doit être entre en-dessous non plus.

Quelle est votre position d’ailleurs sur les débats actuels entre la gauche et la droite?

Je trouve légitime qu'il y ait un débat sur les meilleurs moyens de combattre le terrorisme. On est encore en démocratie que je sache. Après l'assassinat du père Hamel à Saint-Etienne du Rouvray, j'ai exprimé l'impatience qui est celle de nombreux Français de voir l’État s'engager plus puissamment dans le suivi et la neutralisation des terroristes potentiels (dans une publication Facebook, le maire de Charleville exprimait sa lassitude des jours de deuil et des minutes de silences post attentats et appelait à une action ferme du gouvernement, NDLR). Il ne s'agit pas de choisir entre la sécurité et l'état de droit, comme certains le prétendent, mais de donner aux forces de l'ordre les moyens et la capacité d'être plus efficaces encore dans la lutte contre la radicalisation.

Quelles solutions prônez-vous pour lutter contre la menace terroriste?

Nous pouvons installer des barrières devant quantité d'établissements ou de lieux recevant du public. Nous le faisons. Mais face à des terroristes kamikazes, ce sont objectivement des protections tout à fait relatives. Nous le savons, la clé du combat qui nous oppose aux djihadistes, c'est d'identifier les terroristes potentiels, au moyen d'un important travail de renseignement impliquant notamment des écoutes et une forte surveillance sur Internet. Nous avons commencé à le faire. Amplifions ce travail! Et donnons-nous vraiment les moyens de contrôler effectivement tous ceux qui font par exemple l'objet d'une fiche S ou qui mériteraient d'en avoir une. Il ne s'agit tout au plus que de quelques milliers d'individus. Et je crois indispensable, si les risques le justifient, de pouvoir assigner à résidence ou placer en rétention ceux qui présentent les plus forts signes de radicalisation. La 5ème République a su dans le passé surmonter d'autres moments difficiles (guerre d'Algérie, OAS...) sans jamais renier ses principes. Nous pouvons le faire aussi, mais nous n'avons pas le droit de refuser ce combat. Nous ne l'éviterons pas de toute façon.






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