L'Afrique et l'homosexualité - 2


Par Rédigé le 09/05/2017 (dernière modification le 08/05/2017)

L'homosexualité et les pratiques homosexuelles sont de tous temps et cultures. Autrement dit, c'est l'occasion de mettre en exergue le fait que les antécédents sexuels dans plusieurs sociétés africaines comme partout ailleurs, s'inscrivent dans une dynamique particulière. Certes, ces pratiques n’étaient pas répandues dans toute la société, mais elles ont existé.


L'homosexualité à travers des anciens rites africains

Illustration (c) Fatiha Zeroual (Kr)

Homosexualité Afrique 2.mp3  (2.34 Mo)

L’homosexualité existe en Afrique, tout comme les pratiques homosexuelles, qui y ont même eu par le passé une forte valeur symbolique. Le fait de ne pas nommer ces pratiques ne signifie pas qu'elles n'existaient pas, contrairement aux croyances populaires. Les recherches anthropologiques ont aussi fait état de certains rites. Ces rites qui pouvaient servir à transformer le statut sexuel des individus voire et: ou à renforcer la cohésion sociale d’un groupe. Bien sûr il ne faut pas regarder ces pratiques avec un œil occidental du XXIe siècle.

Chez les Massai du Kenya par exemple, certains initiés, appelés Sipolio, aimaient sortir vêtus et maquillés en femmes et avaient des relations sexuelles avec les hommes. C’est le cas aussi pour les religieux en chef des Meru, agriculteurs du Kenya appelés Mugawe qui s’habillaient en femmes et parfois épousaient des hommes. Il s’agissait vraisemblablement de mariages entre personnes de même sexe, mais ceux-ci avaient une durée limitée et une symbolique spécifique. Chez les Zanzibars certains esclaves étaient destinés à jouer ce rôle. Bien habillés, rendus plus efféminés ils étaient alors dispensés des plus durs labeurs.

Dans plusieurs sociétés, les homosexuels étaient linguistiquement qualifiés. Au Sénégal, de tels individus sont encore aujourd'hui désignés en Wolof "gor-digen" ou des hommes-femmes, et ils fournissent de grands efforts pour mériter cette appellation, à grand renfort de maniérisme. Dans le sud de la Zambie, de tels individus étaient désignés "mwaami" dans la langue Ila. Ils s’habillaient comme des femmes, faisaient des travaux attribués aux femmes, dormaient avec les femmes sans avoir de relations sexuelles avec elles. Ils étaient considérés comme des prophètes, c’est d’ailleurs la signification de leur nom. 

Des cas similaires ont aussi été notés, chez les Mossi du Burkina-Faso, à la cour royale, dès le début du XXe siècle. De jeunes garçons appelés "soronés" ou "pages" étaient choisis parmi les plus beaux, entre l’âge de 7 et 15 ans. Revêtus en vêtements de femmes, des rôles féminins leur étaient attribués, incluant aussi des rapports sexuels avec les chefs. Ceux-ci avaient lieu le vendredi, car toute relation hétérosexuel était socialement prohibée sûrement parce que le vendredi est un jour saint dans certaines religions. Les femmes devaient s'abstenir alors que les hommes pouvaient continuer à jouir des plaisirs charnels substituant alors à leur partenaire sexuelle ces jeunes hommes. Ce privilège était exclusivement réservé aux chefs ayant le plein pouvoir sur leurs disciples.

L'analyse historique de la réalité homosexuelle en Afrique, montre que l'homosexualité n'était pas une réalité conceptualisée dans toutes les sociétés africaines. En Occident, elle connote la symétrie relationnelle entre homme-homme et femme-femme. En Afrique dans l’histoire elle dénotait une orientation exclusive et temporaire en fonction des classes sociales. On observe que les sexes n'y étaient pas conçus de manière symétrique. S’il est donc vrai que l’homosexualité est et a toujours été de toutes les cultures, sa perception sociale, sa désignation, son interprétation, sa conceptualisation, ne sont pas les mêmes dans tous les horizons sociaux. À contrario, on ne peut pas présenter l'homosexualité dans l'histoire africaine comme une activité "jouissive". De prime abord, ceci serait interprété probablement comme une provocation. C'est un fait établi, en Afrique l'activité sexuelle, même à travers l'histoire, a toujours cette dimension relative au plaisir, à une relation biaisée avec le plaisir charnel. On peut évoquer les pratiques d'excision chez les jeunes filles, destinées à garantir aux hommes l'exclusivité du plaisir sexuel. La dimension de plaisir n'arrive qu'au second plan lors de l'activité sexuelle dans ces sociétés.

A travers tout cela, il ressort que l’Afrique dans son histoire a connu divers types d’homosexualité: tantôt occasionnelle, tantôt identitaire, tantôt une sexualité s'inscrivant en dehors de l'orthodoxie judéo-chrétienne hétérosexuelle. En résumé, les pratiques qui étaient désignées comme homosexuelles ont une interprétation, si l'on considère les symboles qui leur étaient associés. Cependant, il apparaît aussi que ces pratiques sexuelles à caractère homosexuel n'investissaient pas forcément une identité homosexuelle. Une conclusion ne saurait s'imposer cependant, le mythe de l'absence de l'homosexualité à travers l’histoire en Afrique est petit à petit remis en question à travers l'étude des rites anciens.







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