Les conséquences de la dégradation des relations entre le Rwanda et le Burundi


Par Rédigé le 06/09/2016 (dernière modification le 05/09/2016)

Jamais, sous la république, le Rwanda et le Burundi n’avaient connu des relations aussi tendues. Depuis plus d’une année, les propos des autorités de ces deux pays frôlent hostilité. Pourtant, avant, et au moment de son accession au pouvoir, le président Pierre Nkurunziza entretenait des relations amicales et d’entraide avec le général Paul Kagame, président du Rwanda. Si aujourd’hui les observateurs redoutent qu’une guerre n’éclate dans cette région, ils se demandent en même temps comment l’éviter.


Kagame et Nkurunziza amis d’hier

Pierre Nkurunziza (à gauche) et Paul Kagame (à droite) images du domaine public

Tensions Rwanda-Burundi.mp3  (906.53 Ko)

Selon Bruno Meyerfeld du journal "Le Monde" (envoyé spécial dans la région), "de 2005, date de la fin de la guerre civile au Burundi, à 2012, les rapports entre le président (hutu) burundais, Pierre Nkurunziza, et son homologue (tutsi) rwandais, Paul Kagamé, semblent au beau fixe". Le Rwanda investit au Burundi, participe au financement du CNDD-FDD (Conseil national pour la défense de la démocratie-Forces de défense de la démocratie), parti au pouvoir. "Les riches Burundais faisaient la fête à Kigali, et les riches Rwandais à Bujumbura".

Il y a quelques années, les deux chefs d’État et leur entourage, se retrouvaient non seulement pour une visite de travail, mais aussi pour la détente, au match amical. Selon "Pana", en 2008, amateur et pratiquant de tennis, Kagame avait livré un match face au président du Sénat burundais de l’époque, Gervais Rufyikiri. Ensuite, Bujumbura avait pris du plaisir d’assister au match de football entre les équipes "Allelua FC" du président Pierre Nkurunziza et "Vision 2020" de Paul Kagame.


Le jour où l'inimitié succède à l’amitié

Avec le temps, il s'avère que l’entente n’était que de façade. En effet, Nkurunziza ne supporte plus la supériorité affichée par Kagame. Réellement, les deux hommes se haïssent. Le mauvais climat commence dès l’année 2012. Le Rwanda accuse son voisin d’abriter des soldats rwandais des FDLR (Forces démocratiques pour la libération du Rwanda), que les autorités rwandaises qualifient de génocidaires. Les Burundais supportent mal ces reproches, mais au départ, ils se font discrets. En octobre 2014, trois mois après une polémique entre le Rwanda et le Burundi au sujet de cadavres mystérieux flottant sur le lac Rweru, entre les deux pays. Bujumbura affirme avec certitude qu’ils provenaient bel et bien du voisin du Nord; Kigali est embarrassé par ces déclarations.

Des propos incendiaires, de part et d’autre, se produisent particulièrement, en 2015 et 2016. Ils ne feront qu’envenimer les rapports entre ces deux voisins. D’abord, le président rwandais met en cause ouvertement la légitimité du président Nkurunziza qui brigue un troisième mandat. Les manifestants opposés à son mandat sont violemment réprimés et d’autres sont tués. Kagame pointe du doigt Nkurunziza. Entre temps, un coup d’État avorte au Burundi, ceux qui sont soupçonnés de l’avoir organisé se réfugient au Rwanda. Cette situation remonte la colère de Bujumbura. La peur règne au sein de la population et des milliers de Burundais en majorité tutsi se réfugient dans les pays voisins dont le Rwanda.

Ce dernier est accusé en décembre 2015, par le Burundi, les États-Unis d’Amérique, des agents de l’ONU (Organisations des nations unies), et l’ONG Refugees International, de recrutements forcés par la rébellion armée dans le camp de réfugiés de Mahama (sud-est du Rwanda), effectués en présence et avec l’aide d’officiers rwandais. Les autorités burundaises organisent des manifestations pour protester contre Kagame et son régime. En outre, les autorités burundaises, surtout les dirigeants du CNDD FDD, prennent la parole régulièrement, ou organisent des conférences de presse, pour accuser les autorités rwandaises de jouer un rôle visant à déstabiliser la sécurité du Burundi. Les tensions sont plus que jamais tendues, et les décisions qui s’en suivent, n’arrangent rien à la situation.

Les conséquences pour les deux pays

En octobre 2015, le ministre conseiller auprès de l’ambassade du Rwanda au Burundi, Désiré Nyaruhirira, est déclaré "persona non grata". Selon RFI (Radio France International), Bujumbura lui reproche son "ingérence dans les affaires intérieures en lien avec la crise". En juillet 2016, lors du sommet de l’UA (Union africaine), à Kigali, la délégation burundaise a quitté la capitale avant même que les travaux proprement dits de cette réunion ne débutent, en alléguant que leur sécurité au Rwanda n’était pas garantie. Le 6 août 2016, les bus de transport en commun, reliant Bujumbura et Kigali sont bloqués par les autorités burundaises qui expliquent qu’il s’agit de protéger la population. Pire encore, une semaine auparavant, le Burundi avait interdit l’exportation des produits vivriers vers le Rwanda. Les autorités burundaises reprochent toujours à son voisin de vouloir l’attaquer, et pour ce faire, le deuxième vice-président burundais Joseph Butore avait déclaré qu’il ne fallait plus lui vendre les produits alimentaires.

Aujourd’hui, aucun signe ne laisse espérer qu’un rapprochement soit envisageable dans un futur proche entre ces deux amis d’hier. Plus surprenant, l’UA n’a rien fait jusqu’à maintenant pour apaiser le climat et aider les deux pays à trouver une solution, alors que cette démarche fait partie des missions de cette organisation africaine. Quant à la population, plus que tout, elle craint qu’une guerre d’une grande ampleur n’éclate dans cette région, si les tensions persistent.







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