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Une "Traviata" mouvementée à l'Opéra de Marseille


Par Rédigé le 28/12/2018 (dernière modification le 28/12/2018)

Première en matinée dominicale sur fond de grève ou quand un syndicat s'invite sur scène et sème la zizanie...


Photo courtoisie (c) Christian Dresse
Photo courtoisie (c) Christian Dresse
vocaroo_s1kci2msuaew.mp3 Traviata.mp3  (98.81 Ko)

Honteusement placée sous le signe de revendication syndicale hors de propos, la première de cette "Traviata" marseillaise restera dans les annales, mais pas pour de bonnes raisons, car bien peu artistiques.
Prenant prétexte le paiement d'indemnités, voilà que certains membres du syndicat FO sont venus retarder puis perturber la matinée dominicale. Une poignée d'irréductibles n'hésitant pas à s'inviter sur scène au premier acte.
Ridicule attitude soulevant insultes et moqueries, une demi-heure de retard sur le planning, huées et sanglots dans la salle... Ambiance nauséeuse qui a mis tout le monde mal à l'aise. Il a fallu le courage et le talent conjugués du directeur et du metteur en scène pour qu'enfin le rideau puisse se lever.
Inutile de préciser que dans la fosse ou sur le plateau tous avaient cœur à sauver le spectacle. Récompense méritée: la plus longue, la plus chaleureuse standing ovation vue et entendue pour tous les artisans du spectacle à Marseille... Vox Populi, Vox Dei...

Volons à l'essentiel. Faire du neuf avec du vieux. Voilà le pari relevé haut la main par Renée Auphan qui reprend, dans une imagerie toute classique, lisse et bien emballée comme un emballage de Noël luxueux, sa "Traviata" de Verdi.
Dans les costumes et des décors viscontiens et classiques à la fois de Katia Duflot et Christian Marest, Dumas et Piave font bon ménage, Renée Auphan respectant à la lettre compositeur et librettiste avec en prime un travail au cordeau sur le texte.
Les rapports entre la dévoyée, le monde extérieur, l'argent qui domine tout et sans qui on n'est rien, l'honneur, la famille (travail-famille-patrie avant la lettre) sont clairement étalés. Dans des tableaux hauts en couleurs éclatent la suffisance et l'arrogance d'un demi-monde parisien, celui du vice vulgaire, de la décadence jouisseuse, de la supériorité de classe avariée.
Qu'importe les moyens pourvu qu'on ait l'ivresse et qu'on en fasse partie. Sedan balaiera tout cela dans pas longtemps...
Le dernier acte où la courtisane malade de son destin comme de la phtisie revit son passé dans une sorte de flash-back lugubre et compassé, tel un Golgotha rédempteur mais aigre-doux, suscite encore une fois l'émotion la plus vive. Et l'amour dans tout cela? N'en jetez plus, la cour est pleine, il échappe à tout le monde...

Impossible en cette matinée de première d'apporter un reproche sérieux au plateau réuni par le sympathique et courageux Maurice Xiberras. Tous apportent jeunesse, beauté, musicalité, aisance scénique à ce requiem pour une vie ratée.
Superbe panthère que l'on mène sadiquement à l'abattoir, Nicole Car domine sans peine le style ottocento de la grande scène du premier acte, même transposée d'un ton, et la pureté de l'âme blessée distille certains moments miraculeux.

Les accents pré-véristes du deuxième (au sens humain et sensuel du mot) ont une force peu commune, la voix corsée, mord, affronte sans peine la demande de sacrifice, la soprano, d'une fragilité de porcelaine, retrouvant cet art consommé de faire passer l'émotion mezza voce... Au dernier tableau, la diva se brûle et se consume aux feux de l'amour perdu dans une expression toute lyrique de la pureté de l'âme blessée.

En fils de pasteur saisi par la débauche, plein d'assurance, de charme, de flamme, d'élan, de souplesse, l'aigu en poupe, la demi-teinte charmeuse, Enea Scala (quelle articulation, quelle couleur de voix!), d'un chic, d'une classe rare (celle des plus grands !) rafle tout sur son passage, avec, moment de grâce absolu, un "Parigi O Cara" à fleur de lèvres qui a du faire pleurer la bonne mère sur son rocher.

Gardien de l’ordre et de la morale, imbu de sa puissance paternelle et spirituelle, consolateur de son rejeton puis d’une tuberculeuse, Germont est un rôle atroce.

Étienne Dupuis évite cortèges de soupirs et accents pathétiques. Ce vitupérateur rattrapé trop tard par le remord exhibe sans vergogne un organe somptueux et séduit par son respect des nuances de la dynamique et la variation des colorations.

Encore une fois, l'entourage est de premier ordre. Si Carine Séchaye se montre la plus bienveillante des servantes, Laurence Janot campe à ce jour la plus belle des Flora Belvoix, rivale-amie possible à l'héroïne car débordante de sensualité, d'érotisme calculé, de chien, d'abattage avec des répliques cristallines qui claquent comme des coups de cravache.

Plaisir de retrouver les piliers de la maison: Garcin, Cornille, Ghazarossian bien en place et surtout le libidineux Baron Douphol de Jean-Marie Delpas, croqué à la Daumier (on dirait un banquier macroniste !), superlatif, cinglant, insolent même parfois dans ses brèves interventions.

Dans la fosse, Nader Abassi n'y va pas par quatre chemins. Jamais excessif dans les tempi ni dans les nuances fortes, toujours attentif aux chanteurs et au chœur (excellent), le chef genevois a su imposer un rythme implacable au déroulement de l'action, donnant dans une gestique à l'apparente simplicité, toute l'intensité dramatique nécessaire, sans romantisme outrancier, évitant ainsi de ravaler la partition de Verdi au rang du livre de Dumas.









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