DÉBAT - RD Congo: M23, une fin qui éclabousse le Rwanda


Par Rédigé le 14/10/2013 (dernière modification le 12/10/2013)

Les semaines du 27 septembre au 10 octobre courant ont enregistré un peu plus de dix pillages, actes de viols et violations graves de droits humains imputés aux éléments du Mouvement du 23 mars, M23 en sigle.


Début de l'histoire, Mze LDK et l'enrôlement des enfants par l'AFDL avec le soutien du Rwanda en 1996 (Photo Archives)

Martin_Koebler_chef_Monusco.mp3  (427.86 Ko)

Les villages de Buturande, Mabungo dans la cité de Kiwanja fief du M23 et le village de Mapendo dans le territoire de Rutshuru ont été le théâtre de ces affres. Les centres de santé, hôpitaux et écoles sont les cibles principales de ces militaires qui réclament selon des sources concordantes que la hiérarchie du M23 en négociation à Kampala s’occupe de leurs sorts.

Selon Me Papy Kajabika défenseur de droits humains et avocats au barreau de Bukavu et Goma, ces signes sont des signaux précurseurs de la fin de différentes rébellions. Il fait un retour sur image avec la sortie des troupes du général déchu Laurent Nkunda et Jules Mutebusi de la ville de Bukavu en mai 2004, ou encore le plus récent départ des mêmes troupes du M23 de la ville de Goma au début décembre 2012 avec des milliers de véhicules pillés et même la tentative de dévaliser le coffre fort de la banque centrale du Congo. Pour lui, le blocage des négociations de Kampala sonne le glas et commence à sentir le roussi pour les pauvres troupes embarquées dans cette mésaventure sans une seule garantie fiable du succès.

Omar Kavota, vice président de la société civile du Nord Kivu par contre estime que ceci est tout simplement la méthode rwandaise ou rwandophone, pour lui, les différents massacres de Kasika au Sud Kivu, de Rutshuru après le départ de Laurent Nkunda ou encore les multiples assassinats de Bamis (titres accordés aux chefs coutumiers à l’Est) et dignitaires des différents territoires et chefferies de la RDC à l’Est à l’occurrence le mwami naluhindja, longangi pour ne citer que ceux là ont toujours été fonction de la chute d’un groupe armée instrumentalisé par le Rwanda.

Il sied de rappeler que, de l’AFDL l’Alliance des Forces Démocratiques pour la Libération du Congo lancé pour chasser le régime autocratique et dictatorial de Mobutu en 1996 avec le soutien du Rwanda ; au M23 actuel l’on n’est passé par le RCD en 1998 le rassemblement Congolais pour la Démocratie, puis l’UPC en 2002, l’insurrection de Jules Mutebusi en 2004 et le CNDP la convention Nationale pour la Défense du Peuple en 2007.

D’aucuns aujourd’hui estime que le M23 est l’enfant le plus bourrique du régime de Kigali, pendant qu’au fil des années le Rwanda a réussi à piller les richesses minières de l’est du Congo et est arrivé à se faire hisser au rang des producteurs du coltan et de la cassitérite lors d boom de ce minerais entre 1997 et 2007-2009, pendant que son sous sol reconnu pauvre n’en possédait même pas une bribe. Mais aussi le même Rwanda parvenu à perpétrer plusieurs crimes de guerre et crimes contre l’humanité tout en faisant porter le chapeau aux fameux FDLR (les rebelles rwandais dit génocidaires après la chute du régime de Juvénal Habyarimana en 1994). Aujourd’hui tout présage une fin malheureuse de la rébellion conduite par Bosco Ntanganda, Sultani Makenga dans l’aile militaire et de François Runiga et Bertrand Bisimwa dans l’aile politique. Des sources proches de Kigali renseignent que ces derniers ont rendus un très mauvais service à Paul Kagamé le patron de l’ombre du mouvement car ils l’ont suffisamment obligé d’intervenir directement lorsqu’il manifestait des incapacités notoires.


Le Rwanda suffisamment doigté, Paul Kagamé paie cher

Non seulement son budget se retrouve amputé de plus de 45% de ses subsides internationales, mais aussi à Kigali on commence peu à peu à envisager un après Paul Kagamé. L’homme fort du Rwanda a non seulement perdu de l’estime internationale en tant que modèle de bonne gestion de l’aide, mais aussi Kagamé enregistre pour la première fois depuis plus de 10 ans de règne des dissensions internes allant jusqu’à révéler son rôle machiavélique dans l’organisation du génocide rwandais de 1994 et surtout des secrets de la maison bien gardés depuis des décennies.

Le théâtre de ce calvaire pour Kigali commence par le rapport Mapping de la commission des Nations Unies aux droits l’homme qui dénombre plus 5 millions de morts, des centaines de milliers de femmes violées à l’Est de la RDC dans ce qu’il appellent "état de lieux" sans complaisances des crimes et violations graves des droits de la personne et du droit international humanitaire entre mars 1993 et juin 2003 en RD Congo. Ce rapport accablant publié en août 2010, sera rapidement lié à celui des experts des Nations unies publié en juin 2012 démontrant clairement l’implication de l’armée Rwandaise (Rwanda Defense Force) aux côtés des éléments du M23 dans ce que longtemps Kigali à travers Louise Mushikiwabo, la ministre des Affaires étrangères a souvent appelé le conflit congolo-congolais.

En juillet de l’année dernière, c’est Washington qui décide de suspendre son soutien financier et militaire au régime. Mme Darby Holladay, la porte-parole du département d’État américain, déclare que cette décision prise par l’administration Obama est fonction des préoccupations de celle-ci vis-à-vis des preuves témoignant de la fourniture d’un soutien du Rwanda aux terrorismes du M23. L’Allemagne d’Angela Merkel et les Pays-Bas les suivent deux mois plus tard en suspendant respectivement 26 millions et 6 millions de leur aide. En septembre c’est l’Union européenne qui suit les pas pendant que l’ancienne puissance coloniale, la Belgique arrête aussi son programme de formation des soldats rwandais sur base des allégations de Didier Reynders son vice-Premier ministre et ministre des Affaires étrangères qui dit: "nous ne pouvons pas continuer à former des militaires rwandais pour qu’ils viennent créer le désordre au Congo voisin". Le Royaume-Uni, longtemps indécis sur sa position face à tous ces rapports, verra la pression de la Chambre des communes son parlement pousser le gouvernement de James Cameron à lever l’option d’une suspension effective de l’aide britannique au Rwanda.

Toutes ces suspensions d’aide, suivies des échecs ou fiasco des Rwanda Days à Londres en mai dernier ou encore le récent Rwanda Day de Toronto au Canada tenu au Park Downsview le 28 septembre dernier, témoignent pour beaucoup d’analystes de la situation politique et sécuritaire de la sous-région des grands lacs africains de l’isolement politique du leader rwandais fondateur de l’APR en 1993 en Ouganda.

Kagamé: manque de vision ou excès de zèle?

Le président Paul Kagame lors de sa visite de Toronto au Rwanda Day. Photo (c) Tiers
La dernière accusation de Washington sur l’enrôlement forcé des enfants dans les rangs du M23 vient sonner le glas de la fin du régime de Paul Kagamé à Kigali, pendant que fort étonné par la grandeur et la nature de la répression internationale sur l’implication du Rwanda dans la crise de l’Est de la RDC, Yoweri Museveni, le président Ougandais - aussi cité comme agresseur de la RD Congo aux côtés du M23 au début - a vite fait une lecture de la suite des événements et s’est montré plus visionnaire lisant les signes de la fin en se retirant sans délai, tout en proposant une médiation de la CIRGL (la Conférence Internationale de la Région des Grands Lacs) tout en offrant Monyonyo hôtel d’Entebbe comme site pour les négociations. Les événements ont pourtant démontré à suffisance que la communauté internationale n’approuvait plus une nouvelle déstabilisation des institutions issues des urnes de la République Démocratique du Congo; la question inquiétante est: comment Kagamé n’a-t-il pas compris? Excès de zèle ou manque de vision pour l’enfant chéri des Américains qui pourtant semble-t-il se taperaient les conseils de l’ancienne secrétaire d’État de l’administration Bush, Condoleeza Rice et l’ex-Premier ministre britannique Tony Blair.

Le déplacement du Secrétaire Général des Nations unies le Coréen Bank Ki-Moon à Kinshasa, Goma et Kigali, la signature de l’accord cadre d’Addis Abeba sous les auspices de l’Unité africaine et des Nations unies en Éthiopie le 24 février 2013 entre 11 chefs d’État et de gouvernement et la création de la force neutre au sein de la Monusco avec des contingents des amis de la RDC - tel que la Tanzanie et la République Sud-africaine et enfin l’envoi des drones de surveillance aux frontières rwando-congolaise par l’ONU - devrait en principe dire aux dirigeants de la sous-région et à l’occurrence à Paul Kagamé que c’est bientôt fini la fameuse guerre de l’Est de la RDC. Mais c’est tout son contraire que Kigali exécute sur terrain. Certaines indiscrétions de la présidence rwandaise à Kyovu-Kigali renseignent que le plan de secours de Kigali pour continuer son aventure dans le Rutshuru a été le recrutement sur place en RDC dont des enfants qui auront atteint la maturité entre temps. Selon nos sources, la seule mission confiée à la délégation du M23 aux pourparlers de Kampala été une nouvelle infiltration de l’armée congolaise par plus de milles hommes de troupes et commandants rwandais afin de préparer une nouvelle aventure d’ici fin 2015 à la veille des élections congolaises. Malheur à ce plan, l’éveil patriotique congolais l’a contraint à l’échec avec la liste des officiers rwandais et éléments du M23 non amnistiable publié par le service des renseignements congolais, l’ANR en sigle. La dernière arrivée dans le Rutshuru au Nord Kivu de 200 à 1000 familles rwandaises avec obligation d’installation forcée facilitée par le M23, est la preuve de la mise à exécution de ce plan précise la même source qui insiste sur l’anonymat.
Malheur à Kagamé car il a touché aux valeurs sacrés du pays de l’oncle Sam avec ce nouveau recrutement des enfants soldats; pourtant il aurait été prévenu depuis l’arrestation et l’extradition à la Cour Pénale Internationale de la Haye de ses deux lieutenants - anciens dirigeants de l’UPC de l’Ituri Bosco Ntanganda et Thomas Lubanga - accusés entre autre pour les mêmes crimes d’enrôlements des enfants au sein des forces armées.

A en croire Lambert Mende Omalanga lors de son récent point de presse, à nos jours toutes les rues savent que la marchandise rwandaise justifiant ses multiples incursions en RDC, à savoir: la traque des FDLR génocidaires ou encore le désarmement de ces anciens rebelles rwandais, est avariée et qualifiée désormais d’illicite par plusieurs régimes de l’occident. Tout simplement parce que le Rwanda oublie vite les succès des opérations Umoja Wetu, au Nord Kivu, Rudia de la Monuc et Artémis de l’armée française en Ituri, et Kimya 1 et 2 au Nord et au Sud Kivu. Menées respectivement et conjointement entre les FARDC et les RDF, FARDC et la Monusco et les FARDC seules avec l’appui logistique de la Monusco. Ces opérations ont permis de détruire les sanctuaires des ennemis, de les repousser et de rapatrier de force et volontairement un peu plus de 50.000 éléments FDLR et leurs dépendants vers le Rwanda avec la section DDR (Désarmement Démobilisation et Réinsertion) de la Monusco et le HCR, a dit à l’époque le colonel aujourd’hui élevé au rang de général des FARDC et commandant des opérations Kimya 2 Delphin Kahimbi. Voilà encore une fois de plus ce qui remet sur la table la grande question du retour de la communauté tutsi dite congolaise au Rwanda comme l’a préconisé le Belge Simon Pierre Péan dans son article intitulé "Le retour de la communauté tutsi congolaise est une solution à envisager", publié en février 2012.





Autres articles dans la même rubrique ou dossier: