Les artistes et la production écoresponsable


Par Elise Venet Rédigé le 22/01/2020 (dernière modification le 21/01/2020)

Au même titre que l'industrie, la production artistique se préoccupe depuis plusieurs années d'intégrer des matériaux et procédés de fabrication écologiques et respectueux de l'environnement. Petit tour des objets de la collection du musée du design de Gand (Belgique) qui répondent à ces critères.


Le parcours de visite "Responsible Objects"

Vue intérieure du musée du design de Gand qui comporte 4 nivaux d'expositions et bénéficie de grandes surfaces vitrées / (c) E.V.
Afin de mettre en valeur l'ensemble de sa collection permanente, le Design Museum Gent a eu l'idée de proposer aux visiteurs différents parcours guidés pouvant satisfaire différentes attentes par une exposition intitulée "Object Stories" : recherche esthétique, historique, découverte des techniques de fabrication, recherche de pièces particulières et extravagantes...

L'un de ces parcours réunit une sélection d’œuvres produites entre 1930 et nos jours. Elles ont toutes en commun la prise en compte de leur potentiel impact social et écologique, mettant en lumière la préoccupation des artistes ou collectifs d'artistes d'inscrire leur travail dans une logique d'amélioration du monde, de standardisation du mobilier pour le rendre accessible aux plus modestes, ou d'une esthétique pensée pour l'espace public. L'histoire du design comporte nombre d'exemples de productions destinées aux classes moyennes et ouvrières recourant à des stratégies écologiques comme le recyclage, la production locale, le DIY ("do-it-yourself").

Se verser un verre et contenir de l'eau

Salle d'exposition dédiée aux objets quotidiens et décoratifs / (c) Design Museum Gent, Object Stories
- Rodewijnkaraf ou carafe à vin rouge, Christopher Dresser, 1881

Précédant le design industriel moderne, Christopher Dresser (moins connu que son contemporain William Morris) se positionnait en faveur d'un design intuitif et abordable, au sein du mouvement anglais arts-and-craft, contemporain du Bauhaus. Si Dresser avait recours à des matériaux nobles comme l'argent pour les poignées de ces carafes, c'était avec parcimonie et dans une perspective d'esthétique intemporelle, avec des formes géométriques sobres. Cette production peut être considérée comme un exemple de la mouvance du "design moral" présente chez les créateurs du XIXe s.

- Vases écolo, Enzo Mari, 1992-1995

Enzo Mari représente une des premières figures du DIY, appelant l'utilisateur à recycler des objets préexistants comme les bouteilles de liquide vaisselle en vases. Il consigne sa théorie et les instructions permettant la réalisation d’œuvres similaires par tout un chacun dans un livret intitulé "Autoprogettazione" qui questionne directement le statut et la fonction du design : le vase produit par un quidam aura-t-il la même valeur que le prototype de Mari ? Sera-t-il une pâle copie, ou la concrétisation d'un design commun et libre de droit ?

Ranger cubistement

Armoire Carlton, illustration de l'antidesign / (c) E.V.
-Kubus, Wilhelm Wagenfeld,1938

Ces contenants modulaires en verre ont été pensés pour la firme dont Wagenfeld fut le directeur artistique à partir de 1935. Adaptés à la production de masse, les objets usuels quotidiens de Wagenfeld se devaient d'être beaux, durables, et à un prix abordable comme pour le Bauhaus, dont il était issu.

-Carlton, Ettore Sottsass, 1981

Conçue par le collectif de designers italiens Memphis, cette armoire en plastique stratifié se révèle ludique et bigarrée. Ses créateurs entendent mettre en place un anti-design subversif contre le fonctionnalisme moderne et désincarné, par le biais d'objets produits à la main et en petites séries. Ils seront ironiquement associés plus tard à la décadence et l'extravagance du postmodernisme.

Déposer son séant

Veiled Lady, au centre, fabriqué en matières organiques compostables / (c) Design Museum Gent, Object Stories
- Side chair, Frank Gehry, 1972

Gehry est connu pour l'utilisation de matériaux anticonventionnels, parfois dits "pauvres", comme le carton ondulé avec lequel il réalise toute une série de meubles appelée Easy Edges. Vendus à moins de 100$, ils ont connu un relatif succès répondant à l'objectif affiché, à l'époque, par son créateur: produire "un meuble économique par excellence."

- Veiled Lady, Eric Klarenbeek, 2014 Voici un bel exemple de réalisation artistique recourant à des matières organiques totalement biodégradables, (en l'occurence, du mycélium de champignon pour coller les matériaux). Imprimée en 3D, elle se dessèche avec le temps et pourra, en bout de course, être compostée. Le livret détaille : "Son empreinte écologique est négative, car le matériau végétal a absorbé du CO2 durant sa croissance (...). De plus Klarebbeek et Dros envisagent un mode de production local : dès que les imprimantes 3D se multiplieront, tout le monde pourra, près de chez lui, réaliser une impression avec des matériaux locaux et contourner ainsi la chaîne de transport et la pollution qu'elle engendre."

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Les artistes et la production écoresponsable.mp3  (260.98 Ko)






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