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Un facteur et son Palais idéal

La chronique culturelle de Colette


Par Rédigé le 12/02/2019 (dernière modification le 10/02/2019)

"L’incroyable histoire du facteur Cheval" de Nils Tavernier met en lumière pendant 1h44 un homme modeste et mutique qui a créé une œuvre mondialement connue.


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Joseph Ferdinand Cheval, magnifiquement interprété par Jacques Gamblin, est né le 19 avril 1836 à Charmes-sur-l'Herbasse et il est décédé le 19 août 1924 à Hauterives, deux villages du département de la Drôme. D’abord boulanger puis ouvrier agricole, la modeste instruction qu’il a acquise lui permet de devenir facteur en juillet 1867. Il est nommé à Hauterives où il restera jusqu’à la fin de ses jours. Pendant trente ans, jusqu'à sa retraite en 1896, il fera une tournée quotidienne d’une trentaine de kilomètres. Veuf avec un fils qui sera élevé par un parent et qu’il ne verra pas pendant des années, il épouse en 1878 Claire-Philomène Richard, très bien incarnée par Laetitia Casta. Leur naît une petite Alice avec laquelle Joseph se montre assez maladroit au début. Une scène touchante du film l’illustre parfaitement, Philomène est occupée et dépose le bébé dans les bras de son père qui ne sait vraiment pas quoi en faire mais on sent qu’il lui est déjà très attaché. Cette relation va s’améliorer au point que c’est pour elle qu’il entreprend de construire son Palais idéal librement inspiré des monuments qu’il a vus sur des timbres ou des gravures, surtout des temples orientaux et des moaï de l’île de Pâques. Il en a eu l’idée un jour d’avril 1879, il avait trébuché sur une pierre et comme il le racontera deux décennies plus tard à l'archiviste local "Je la pris et l'enveloppai dans mon mouchoir de poche et je l'apportai soigneusement avec moi me promettant bien de profiter des moments que mon service me laisserait libre pour en faire provision. À partir de ce moment-là, je n'eus plus de repos matin et soir".

Chaque jour, sa tournée achevée, il revient chercher avec sa brouette les pierres qu'il a choisies et les entasse sur son terrain. La nuit, il construit et utilise tous les matériaux possibles galets, silex, coquillages qu’il assemble. Tout cela sans plan précis. Il manque de connaissances artistiques et de notions d’architecture mais non de sensibilité et il est indifférent aux moqueries de son entourage. "Je n'étais pas maçon, je n'avais jamais touché une truelle; sculpteur, je ne connaissais pas le ciseau; pour de l'architecture, je n'en parle pas je ne l'ai jamais étudiée" confiera-t-il. Et ceci pendant 33 ans, de 1879 à 1912...

On note sur ce vaste ensemble de 24m de long, 14m de large et jusqu'à 10m de hauteur, les influences d’un temple hindou, d’une mosquée, d’un chalet ou d’un tombeau égyptien par exemple. Le facteur a inscrit quelques maximes sur les façades. On peut y lire entre autres "Le travail fut ma seule gloire, l'honneur mon seul bonheur".

En 1894, le décès de sa fille de 15 ans l'affecte profondément. Son fils revient à Hauterives et s’installe comme tailleur. Le photographe qu’il a amené fait des photos du Palais et en tire des cartes postales diffusées dans le monde entier, aussi les visiteurs commencent-ils à venir. Ainsi, l’œuvre du facteur Cheval est enfin connue.

Il souhaitait être enterré sur place mais ce ne fut pas possible et il consacra ses vieux jours à construire sa tombe à l'entrée du cimetière de Hauterives, dans le style du Palais. Entretemps, son fils et sa femme étaient morts. Après le décès du facteur en 1924, on oublia son œuvre. Cependant, des artistes d'avant-garde s’y intéressèrent quand même, André Breton reconnaît le facteur comme un précurseur de l’architecture surréaliste et lui dédia le poème "Le Revolver à cheveux blancs" en 1932. Max Ernst a fait son portrait en papier collé. En 1937, Pablo Picasso a réalisé douze dessins après sa visite à Hauterives. On reconnut le facteur Cheval comme un pionnier de l’art brut. Le Palais idéal se transforma en lieu de pèlerinage pour quantité d'artistes mais il fallut attendre le 2 septembre 1969 pour qu’André Malraux alors ministre de la Culture, l'inscrive sur la liste des monuments historiques. En déclarant "c’est le seul exemple en architecture de l'art naïf. Il serait enfantin de ne pas classer quand c'est nous, Français, qui avons la chance de la posséder, la seule architecture naïve du monde et attendre qu'elle se détruise". Ceci malgré des détracteurs qui persiflaient "Le tout est absolument hideux, un ramassis affligeant d'insanités sorti de la cervelle d'un rustre".

Le tombeau est lui aussi classé au titre des monuments historiques par arrêté du 23 mai 2011. Depuis 1994, la commune d’Hauterives est propriétaire du Palais qui reçoit chaque année des dizaines de milliers de visiteurs.

Un film qu’il ne faut donc absolument pas manquer. Surtout si l’on aime qu’à partir d’un sujet simple, on nous présente une belle histoire où sont mis à l’honneur de bons sentiments, de saines aspirations dans une nature splendide. Le tout sans pathos ou effet facile ou superflu, avec des acteurs au jeu d’une justesse absolue.










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