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L’homme selon le DSM et le nouvel ordre psychiatrique: quel monde voulons-nous?


Rédigé le 29/02/2012 (dernière modification le 28/02/2012)

Dans son dernier ouvrage publié chez Albin Michel, le psychiatre et psychanalyste Maurice Corcos dénonce les dérives biologistes et comportementalistes du Manuel Diagnostique et Statistique en préparation. Sous prétexte d'une classification internationale des maladies mentales, le DSM élude le sens à donner au symptôme, cherche à quantifier les manifestations pathologiques et privilégie les approches médicamenteuses. Un nouvel ordre psychiatrique déshumanisant, selon l'auteur.


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corcos.mp3 Corcos.mp3  (2.72 Mo)

Lors de sa première séance sur mon divan, un chirurgien et professeur en médecine pourtant référé par un psychiatre niçois, réfute la dimension psychique de son mal-être: "je ne rêve jamais", me lance-t-il comme un défi. Une semaine après, l’analysant s’étonne des représentations oniriques qui peuplent ses nuits et qui dévoilent en partie les raisons inconscientes de son parcours professionnel.

A lire "L’homme selon le DSM" du psychiatre et psychanalyste Maurice Corcos publié chez Albin Michel, l’anecdote citée paraît presque dérisoire. Marqué par le "biologisme et le comportementalisme" destinés à réfuter l’hypothèse de l’inconscient, le Manuel Diagnostique et Statistique (DSM) qui vise à la classification internationale des maladies mentales, trahit la peur occidentale de "reconnaître que l’inhumain est chose humaine". L’émotion, le ressenti et la souffrance psychique -celle qui permet notamment de donner du sens aux symptômes- inquiètent des sociétés désemparées et en quête d’un individu socialement normé et politiquement apaisé. Un symptôme qui n’est pas "l’explication d’une tare mais une ‘monstration'", un témoignage. D’où la dénonciation, par celui qui dirige le Département de psychiatrie de l’adolescent et du jeune adulte à l’Institut mutualiste Montsouris de Paris, du "fourvoiement que constitue, dans le champ d’investigation qu’est la pathologie mentale, la captation par la science mathématique, du psychisme humain".

Alors que s’élabore, sous la conduite de responsables médicaux chargés de séparer le "normal du pathologique", le futur DSM V, l’auteur critique la présence croissante de symptômes "plus facilement identifiables" et qui privilégient des repérages comportementaux "lourds" : non seulement, ces derniers justifient aisément les seules approches médicamenteuses mais cette "simplicité apparente" épargne en outre aux cliniciens tout questionnement trop subjectif, tout atteinte embarrassante à leurs propres affects. Tout comme elle offre aussi aux parents, dans certains cas, "un déni sur leur propre souffrance et sur la signification des troubles de leur enfant". Les psychanalystes savent combien les étiquettes diagnostiques fournissent autant "d’identités substitutives" que de moyens techniques de résistance au traitement analytique.

La philosophie, si l’on ose dire, du prochain DSM met davantage l’accent, par exemple, sur les délais requis, "mesurables" d’une dépression ou d’un travail de deuil lequel ne devrait pas dépasser deux mois: "le temps, c’est de l’argent", ironise Maurice Corcos. Elle fait aussi disparaître le critère de l’aménorrhée dans l’anorexie mentale, permettant "d’y inclure beaucoup plus de patients". Sans parler du "syndrome de risque psychotique" ouvrant les portes d’une chimiothérapie préventive à un âge pourtant "charnière dans la construction de soi". Et le spécialiste de rappeler que les Russes, avant la chute du mur, avaient inventé le diagnostic de "schizophrénie torpide, maladie psychotique sans symptôme manifeste mais dont on pouvait percevoir le bourgeonnement". Mélange malsain des genres entre la médecine et la politique. "Le territoire statistique du DSM doit rester vierge de toute interprétation", déplore l’auteur: autant dire que la sexualité, horresco referens pour les rédacteurs du futur manuel, n’y a plus sa place sauf sous l’approche évidemment quantifiable des "troubles de l’hypersexualité". Il en va de même pour les troubles de conduites ou le trouble oppositionnel avec provocation (TOP): une de mes étudiantes en profonde souffrance reconnaissait que le plus "difficile dans son stage de vente en première année résidait dans le fait d’avoir dû être gentille plusieurs heures par jour". L’un et l’autre seront désormais pris en charge par un "arsenal chimio-thérapeutique" qui rejette la symbolisation et l’histoire personnelle, inconsciente du sujet: c’est oublier que "dans la haine, rappelle avec autant de force que de justesse le psychanalyste parisien, l’objet ne ment pas". Le sujet non plus. L’homme selon le DSM sera cet humain affolé par son ombre et craintif de son passé: bref, un triste sire.

b[L'homme selon le DSM, Le nouvel ordre psychiatrique, Maurice Corcos, Albin Michel, 2011]b









1.Posté par docteur Vincent le 29/02/2012 22:05 | Alerter
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Ca fait peur; Je balade mon " trouble oppositionnel avec provocation" depuis ma tendre enfance et...  

2.Posté par John Smith de Gallifrey le 01/03/2012 10:49 | Alerter
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La classification qui fait l'objet d'un consensus international c'est la CIM(de l'organisation mo...  

3.Posté par docteur Vincent le 01/03/2012 21:43 | Alerter
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Ce n'est pas parce qu'il y a 99 qui ont raison que c'est la vérité: cela s'appelle juste un accor...  

4.Posté par John Smith de Gallifrey le 02/03/2012 09:42 | Alerter
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Vous pensez que la pensée unique Française CFTMEA c'est mieux ? Le reproche qui est fait au DSM I...  

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