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Adèle Hugo, découverte d'une compositrice


Par Rédigé le 05/04/2023 (dernière modification le 04/04/2023)

Des partitions de ses oeuvres ont été retrouvées par hasard au fond d'une malle. Leur création mondiale a eu lieu le 31 mars dernier à Besançon, ville natale de son père Victor Hugo.


Et revient le refrain que l’on ne connaît que trop "Elle n'a pas pu développer son talent jusqu'au bout parce que son père s'y opposait (c) DR
Et revient le refrain que l’on ne connaît que trop "Elle n'a pas pu développer son talent jusqu'au bout parce que son père s'y opposait (c) DR
On savait que la fille cadette de l’écrivain était dépressive, elle ne s’était jamais remise de la mort accidentelle de sa soeur aînée Léopoldine quand elle avait treize ans. En 1852, elle avait suivi son père en exil, était tombée éperdument amoureuse d’un lieutenant britannique qui l’ignorait. Elle l’avait poursuivi au Canada puis à la Barbade et finalement était rentrée en France en 1872 et avait passé les quarante dernières années de sa vie dans des institutions psychiatriques. Elle mourra le 1er avril 1915 à près de 85 ans.

Le film "La vie d’Adèle H" de François Truffaut avait rappelé cette existence mouvementée en 1975. L’on sait moins qu’elle fut pianiste et compositrice. Elle était d'une nature "passionnée, voire un peu mythomane", selon Jean-François Verdier, directeur artistique de l'Orchestre Victor Hugo Franche-Comté qui a interprété ses oeuvres au Théâtre Ledoux de Besançon le 31 mars puis à la Commanderie de Dôle le 2 avril. Cet orchestre fait connaître depuis quelques saisons les oeuvres oubliées de plusieurs compositrices. Jean-François Verdier poursuit "Elle jouait très bien du piano. C'était aussi une compositrice autodidacte extrêmement douée. Elle rêvait d'écrire un opéra". Quant à Victor Hugo, "il trouvait sa musique tout à fait charmante". Lui qui dit-on, ne voulait pas de musique sur ses vers, écrit des textes pour les compositions de sa fille. "Elle a été la première à mettre en musique des extraits des Misérables, bien avant la comédie musicale à succès qu'on a eue après" précise Jean-François Verdier.

En 2004, le compositeur suisse Richard Dubugnon, invité par le Victor Hugo International Festival de Guernesey, découvre des partitions dans une malle à Hauteville House, la maison des Hugo lors de l’exil dans cette île anglo-normande. C’est Odile Blanchette, conservatrice de la Maison Victor Hugo à Guernesey qui lui signale l’existence de cette malle remplie de partitions provenant du fonds Hugo. Un musicologue anglais qui les avait consultées les avait trouvées sans intérêt. Mais convaincu de leur qualité, Richard Dubugnon demande la copie des manuscrits sur lesquels il va travailler. Il déclare "J’y allais avec un a priori. Je me disais que si pendant 150 ans ça n'avait intéressé personne, pourquoi cela aurait-il une quelconque valeur? Cela a été une surprise absolue de découvrir que non seulement ça avait de la valeur, mais qu'il y avait de quoi faire au moins un disque". Et il ajoute que cette découverte "arrive à point, au moment où on commence à s'intéresser aux femmes créatrices au destin difficile", telles Clara Schumann, Fanny Mendelssohn ou Alma Mahler. Et revient le refrain que l’on ne connaît que trop "Elle n'a pas pu développer son talent jusqu'au bout parce que son père s'y opposait. Il ne l'a jamais vraiment encouragée". Victor Hugo ne fera jamais éditer la musique d’Adèle. Aux partitions retrouvées à Guernesey s’ajouteront celles découvertes au domicile parisien de la famille Hugo place des Vosges. Ce seront donc 17 mélodies pour voix et piano que Richard Dubugnon a mises en forme. Elles ont été composées sur différents textes de Victor Hugo, extraits des Contemplations ou des Misérables, comme la chanson de Gavroche, "On est laid à Nanterre". D’après Richard Dubugnon, la musique d'Adèle est "assez simple, mais tout à coup il y a une nostalgie surprenante, un accord mystérieux, un rythme... C'est peut-être ça qui nous montre le charme de cette artiste sacrifiée". Il écrit aussi que "Le style d’Adèle est romantique, entre Halévy, Bizet et Gounod, mais c’est la musique d’une autodidacte de talent qui n’a pas eu le temps de développer sa technique".

Dix-neuf ans après la découverte de ces partitions, il peut se réjouir "je suis très soulagé et heureux de voir que ça va renaître presque en apothéose. Je ne pense pas que la pauvre Adèle Hugo eut rêvé un jour que sa musique puisse être orchestrée". La création de ces mélodies d’Adèle Hugo est accompagnée d’une série de manifestations organisées par l’Orchestre-Victor-Hugo-Franche-Comté et la Maison Victor Hugo – Direction Patrimoine Historique, en collaboration avec le Musée des Beaux-Arts et le Cinéma Victor- Hugo de Besançon. Il s'agit de conférences comme par exemple "Compositrices au 19e siècle, une histoire à redécouvrir"; d'une Table-ronde "Adèle Hugo compositrice" réunissant le "compositeur et découvreur" des musiques d’Adèle Hugo Richard Dubugnon, et Adèle Hugo, arrière-arrière-petite-fille de Victor Hugo. Par ailleurs, un enregistrement discographique de ces mélodies est également prévu pour ce mois-ci, elles seront interprétées par de grands noms de la scène lyrique française et le Chœur de l'Opéra de Dijon, sous le label Alpha Classics. Ce projet bénéficie du soutien de la Fondation AG2R La Mondiale pour la vitalité artistique.








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