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Théâtres de Montparnasse

La chronique culturelle de Colette


Par Rédigé le 19/04/2018 (dernière modification le 18/04/2018)

Dans ce quartier parisien, ils sont nombreux, souvent de petite taille, avec plusieurs salles proposant jusqu’à six ou sept représentations diverses par soirée. Avec aussi bien des pièces contemporaines à (re)découvrir que des œuvres plus classiques. Tel est le cas du Lucernaire et du théâtre de Poche, le premier propose une plongée dans l’univers de Georges Courteline et le second attire l’attention sur un écrivain peu joué, Auguste de Villiers de L'Isle-Adam.


theatres_montparnasse.mp3 Théâtres.mp3  (1.31 Mo)

Actuellement, Georges Courteline n’est pas très fréquemment représenté sur les scènes. Pourquoi ne pas supposer que le théâtre du Lucernaire s’est souvenu que c’était le 160e anniversaire de sa naissance, sous le nom de Georges Moinaux le 25 juin 1858 à Tours? On n’a pas souhaité une des pièces emblématiques de cet auteur prolifique telles que Les Tribunaux comiques, Le gendarme est sans pitié, Les Gaîtés de l'escadron ou Messieurs les ronds-de-cuir. Mais préféré convier le spectateur à approcher son univers bien particulier. La compagnie La Boîte aux Lettres se déploie donc dans "L’affaire Courteline".

Et pour ce faire, six comédiens interprètent sept petites pièces qui s’enchaînent, entre lesquelles s’intercalent des maximes de l’auteur et quelques chansons en chœur, dont entre autres "Amusez-vous, foutez-vous d’tout" ou "Je n’suis pas bien portant".
Les thèmes favoris de Courteline sont bien présents, la vie de couple, la condition des employés qu’il connaît bien pour avoir travaillé une quinzaine d’années au ministère des Cultes, la vie des domestiques, le monde judiciaire, là encore il avait été à bonne école car son père Jules Moinaux avait écrit "Les tribunaux comiques". Pour décors quelques accessoires, des meubles pouvant se transformer en salon bourgeois, chambre ou tribunal; des porte-manteaux permettent aux comédiens de changer instantanément de costumes et de rôles. Tout cela suffit pour transporter le spectateur dans l’atmosphère de Paris au tournant du XXe siècle.

Le spectacle mis en scène par Bertrand Mounier dure 1h20 et débute avec une mère qui assomme de recommandations son fils Sigismond censé épouser un riche parti. Suivront l’employé Badin toujours absent et qui invente pour excuses des séries d’enterrements dans son entourage, la domestique un peu portée sur l’alcool, le mari lâche qui veut poursuivre un supposé rival et ne fait que mettre à la porte la bonne et le chat, la femme trompée qui vient pleurnicher chez une amie. Et pour finir en apothéose le tribunal où comparaissent des maris trompés.

Courteline n’est pas Eugène Labiche et encore moins Georges Feydeau avec qui on rit quasiment en permanence tant les situations sont folles et les dialogues délirants. Chez lui, les situations et les dialogues sont plus réalistes, pas d’intrigue complexe ni de développement compliqué et il ne recule pas devant quelques expressions grossières. Certes, l’ensemble est comique et on rit mais c’est d’un rire plutôt amer tant la noirceur humaine et la sottise s’y étalent sans complaisance avec le pessimisme de Courteline. On ne peut cependant s’empêcher de penser que tout ceci a quelque peu vieilli. même si la mise en scène est inventive et souvent endiablée et si les six comédiens font vivre les scènes avec un entrain et un plaisir manifestes, en particulier la sémillante Isabelle de Botton. On ne s’y ennuie donc pas un seul instant, on y passe au contraire un excellent moment et on ne peut que recommander cette découverte.

"L’affaire Courteline" se donne au Théâtre Lucernaire jusqu’au 6 mai 2018.

Une femme se rebelle

Tout autre est la pièce que propose le Théâtre de Poche avec "La révolte" d’Auguste de Villiers de L'Isle-Adam. Écrivain né à Saint-Brieuc, le 7 novembre 1838 et mort à Paris le 18 août 1889. Ce drame en un acte en prose, écrit en 1868-1869 fut créé à Paris au Théâtre du Vaudeville le 6 mai 1870. Il n’y eut que cinq représentations parce qu’il choquait le public. Et on comprendra aisément pourquoi… A Paris en 1870, vers minuit, le banquier Félix, 40 ans, évoque avec sa femme Élisabeth, 27 ans, les fructueuses affaires de la journée, on parle aussi d’expulser des locataires impécunieux et d’aller bientôt au théâtre. Grâce à l’aide de sa femme, les affaires de Félix sont florissantes et il s’en réjouit. "Comme tenue des livres, tu es un excellent comptable; comme femme, il paraît que tu es très bien et point bête, ce qui est quelque chose. Enfin, comme caractère laborieux, tu passes mes espérances. (…) Et, si j’ai triplé ma fortune, je puis bien dire que c’est grâce à toi". Mais Élisabeth annonce subitement qu’elle le quitte et qu’elle part, elle dit même qu’elle s’est acheté une maison. Elle établit les comptes depuis leur mariage il y a quatre ans et demi, ce qui sous-entend qu’avec ce qu’elle lui avait fait gagner, elle ne lui est redevable de rien. Elle disparaît abandonnant leur petite fille qui dort. Elle laisse Félix dans le plus grand désarroi, il s’évanouit. Quatre heures plus tard elle revient, anéantie.

On imagine donc combien cette courte pièce d'une heure dix dérangeait l’ordre conjugal habituel et de plus le schéma dramatique en vigueur à l’époque. Le metteur en scène Charles Tordjman précise d’ailleurs: "…Villiers de l’Isle-Adam faisait bien plus que représenter une scène de ménage d’un genre inaccoutumé: il lançait aussi le manifeste du Parnasse au théâtre. La pièce est ainsi la première offensive déclarée d’un théâtre en quête de renouveau contre les citadelles bien protégées du mélodrame ou du vaudeville".

Cette dénonciation de l'esprit bourgeois de l’époque choque les spectateurs pour qui l'argent et la famille sont des valeurs essentielles. Élisabeth pensait sans doute que le mariage la délivrerait des contraintes de son milieu, il n’en fut rien. Elle n’a trouvé qu’un être surtout intéressé par la prospérité de ses affaires. Mais Élisabeth se rend compte que son idéal, elle qui veut "vivre et respirer le grand air du ciel", s’est estompé depuis longtemps dans le cadre médiocre qui a été le sien et elle revient vivre avec Félix.

Les deux acteurs Olivier Cruveiller et Julie-Marie Parmentier qui évoluent dans un espace très dépouillé avec seulement une sorte de comptoir et de subtils éclairages, rendent parfaitement crédible le côté affreux de ces mariages de convenance du XIXe, l’un pragmatique jugeant avec condescendance l’autre qui rêve de liberté et d’idéal. Si la situation a certes évolué, on pourra toujours penser que le combat des femmes n'est pas terminé et c'est pour cela que "La révolte", surprenante en 1870, mérite bien d'être vue.

Au théâtre de Poche Montparnasse, du mardi au samedi à 21h et en matinée le dimanche à 15h.









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