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Turquie / Gaza : l’ONG islamique donne le ton

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Par Collectif VAN Rédigé le 18/06/2010 (dernière modification le 18/06/2010)

Une ONG islamique donne le ton dans la dispute turco-israélienne à propos du raid sur la Flottille pour Gaza


Les participants aux obsèques, le 4 juin dans une mosquée d'Istanbul, de huit des neuf hommes turcs tués dans un raid du commando israélien lancé sur une flottille d'aide se dirigeant vers Gaza. (Photo et texte : Yigal Schleifer)
Les participants aux obsèques, le 4 juin dans une mosquée d'Istanbul, de huit des neuf hommes turcs tués dans un raid du commando israélien lancé sur une flottille d'aide se dirigeant vers Gaza. (Photo et texte : Yigal Schleifer)
Info Collectif VAN - www.collectifvan.org - L’apparente bénédiction qu'Ankara a donnée à l’IHH pour aller de l’avant avec son convoi d'aide à Gaza est indicative d'un mouvement potentiellement perturbateur émanant de groupes de l’extrême droite islamiste de Turquie, particulièrement en ce qui concerne l’explosive question israélo-palestinienne.

"Les islamistes d'extrême droite se sont appropriés la question politique de Gaza et le gouvernement utilise cela à ses fins", a dit Jenny White, une anthropologue à l'Université de Boston, qui travaille actuellement à un livre sur l'Islam et le nationalisme turc. Le Collectif VAN vous propose la traduction de l'article en anglais publié sur le site du journal EurasiaNet le 4 juin 2010.

Une ONG islamique donne le ton dans la dispute turco-israélienne à propos du raid sur la Flottille pour Gaza

Au cœur de la crise diplomatique entre Israël et la Turquie, due au raid tragique du commando le 31 mai sur une flottille d'aide se dirigeant vers Gaza, il y a l’essor de l’IHH, inconnue jusque là, l’organisation non gouvernementale islamique turque qui a mené le convoi. L’essor de l’IHH, disent les analystes, a été rendu possible par quelques changements profonds - à la fois prometteurs et troublants - qui ont eu lieu en Turquie au cours de la dernière décennie, le plus significatif étant la floraison d'organisations de société civiles en Turquie.

Des groupes islamiques ont particulièrement profité du développement de la société civile en Turquie au cours de ces dix dernières années. Avant cela, de tels groupes étaient soumis à un intense examen minutieux de la part des institutions laïques d'État d’Ankara. "La société civile turque est beaucoup plus un acteur en Turquie à présent. Elle fait partie de la lutte pour la démocratisation ici", a dit Ferhat Kentel, un professeur de sociologie à l'Université Sehir d'Istanbul.

Izzet Sahin, qui supervise le travail de l'IHH dans les pays occidentaux, déclare : "Avant, vous ne pouviez pas voir la réaction des civils ici. Maintenant il y a plus de liberté. Chacun se sent plus démocratique maintenant. Ce n’est pas que pour les musulmans - c’est pour chacun."

L'histoire de l'IHH, qui a commencé son travail en aidant les victimes de la guerre en Bosnie pendant les années 1990, est instructive. Après que l'armée turque - qui se considère le gardien du système laïc de la Turquie - a évincé un gouvernement en 1997 qui était mené par un parti islamiste, l'IHH et d'autres organisations islamiques se sont trouvées sur le point d’être dissoutes.

En 1998, le quartier général du groupe a subi un raid des policiers turcs qui cherchaient des armes et la preuve de liens avec le terrorisme (le groupe nie que des preuves incriminantes ont été découvertes). Une année plus tard, lorsqu’un tremblement de terre important a frappé la banlieue d'Istanbul, on a interdit à l’IHH de distribuer de l'aide, ou de travailler dans la zone du tremblement de terre.

Mais maintenant, suite au raid israélien sur la flottille d'aide, dans laquelle au moins neuf personnes ont été tuées, les membres du groupe ont été accueillis dans le pays comme des héros et, de bien des façons, ils jouent actuellement un rôle déterminant dans la formation de la relation à venir entre la Turquie et Israël, ce qui pourrait avoir des implications d'une grande portée pour la région et pour les liens d'Ankara avec Washington. [Pour le contexte voir les archives d'EurasiaNet].

"Il est évident qu’idéologiquement, ils dirigent les développements post-incident et ils déterminent aussi le ton du débat," dit Solos Ozel, analyste politique et chroniqueur pour le journal Haberturk.

Au cours de son mandat de huit années au pouvoir, le gouvernement de la Turquie, dirigé par le Parti de la Justice et du Développement (AKP), qui tire ses racines de l’islamisme, a été à l'origine d'un effort de grande envergure pour la démocratisation. Cela a été particulièrement ressenti par les organisations islamiques. "Elles ont plus d’espace pour opérer en Turquie maintenant," dit Ozel. "Plus d’espace, du fait que nous avons vraiment un parti au gouvernement qui ne les voit pas comme des corps étrangers."

Jenny White, une anthropologue à l'Université de Boston qui étudie les mouvements islamiques turcs, dit que la bénédiction apparente qu'Ankara a donnée à l’IHH pour aller de l’avant avec son convoi d'aide à Gaza est indicative, à l’intérieur du courant central, d'un mouvement potentiellement perturbateur émanant de groupes de l’extrême droite islamiste de Turquie, particulièrement en ce qui concerne l’explosive question israélo-palestinienne. "Ce que cela m’indique, c’est que les islamistes d'extrême droite se sont appropriés la question politique de Gaza et que le gouvernement utilise cela à ses fins", a dit White, qui travaille actuellement à un livre sur l'Islam et le nationalisme turc.

"Cela ne signifie pas que la société devient de plus en plus radicalisée, mais que le courant radical de la société s’est approprié la question de Gaza et le sentiment anti-Israël, dont le capital politique est très grand", a ajouté White. "La question est : que doit maintenant ce gouvernement aux organisations les plus radicales et aux secteurs de la société qui se sont appropriés ce segment de l'opinion publique ?"

L'IHH a été poursuivie dans le passé pour des accusations de liens avec des groupes terroristes islamiques, chose que les représentants du groupe nient. À l'intérieur du quartier général de l'IHH à Istanbul - un bâtiment de deux étages où un flot continu de gens est arrivé pour faire des dons et où l’on a offert un soutien psychologique aux membres de la flottille, au sous-sol - Sahin, l'organisateur de l’IHH, a insisté pour dire que sa fonction n’était que celle d’un groupe de secours et de défense des droits de l'homme.

"Les responsables de cette organisation ne sont pas des terroristes, leur travail n'est pas le terrorisme et l'organisation n'a pas de liens avec des organisations terroristes. Notre travail consiste en des œuvres locales de charité aux personnes nécessiteuses", a dit Sahin, qui a récemment passé cinq mois en Israël pour organiser le travail du groupe en Cisjordanie et à Gaza et étudier l'hébreu à l'Université hébraïque de Jérusalem. Quelques semaines avant que la flottille d'aide ne mette les voiles, les autorités israéliennes avaient arrêté Sahin, qui a passé 21 jours en prison avant d’être relâché.

Le 3 juin à Istanbul, lors des funérailles des membres de la flottille qui ont été tués, et lors d’un rassemblement en ville qui a eu lieu la nuit précédente pour célébrer la libération d'autres militants, les partisans de l'IHH et de sa mission à Gaza se sont exprimés en termes moins charitables. "Je pense qu'Israël doit être effacé de la carte du Moyen-Orient," a dit Murat Hazine, étudiant en économie et volontaire de l'IHH qui a suivi les obsèques. Les obsèques ont été ponctués par les cris de la foule :"Condamnez Israël" et "Allah est Grand."

Les analystes avertissent que toute sorte de radicalisation au niveau public pourrait en fin de compte s’avérer coûteux pour la Turquie, puisque le pays essaye de se repositionner comme leader régional responsable avec des aspirations diplomatiques mondiales. "En ce qui concerne la façon dont le monde voit la Turquie, si vous avez des cris tels 'Allah est Grand' lors de manifestations officiellement autorisées, alors la question qui se pose est de savoir si les efforts du pays sont humanitaires ou idéologiques", dit Hugh Pope, analyste de la Turquie du Groupe de crise international (ICG).

Dans un signe indiquant que les cercles islamiques turcs modérés peuvent être inquiets d'un virage vers la droite, Fethullah Gulen, un imam turc basé aux États-Unis, fortement suivi en Turquie, a critiqué la flottille de Gaza dans un entretien publié dans le Wall Street Journal du 4 juin. L'échec des organisateurs à conclure un accord avec Israël, "est un signe de défi aux autorités et ne mènera à rien de fructueux", a dit Gulen, dont le mouvement en Turquie contrôle divers médias et des groupes d'affaires, et exerce une influence politique à haut niveau.

Note de l’éditeur :
Yigal Schleifer est journaliste free-lance basé à Istanbul. Il est l’éditeur du blog Kebabistan d’EurasiaNet.

©Traduction de l'anglais: C.Gardon pour le Collectif VAN - www.collectifvan.org



Tags : Gaza, Turquie





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