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Disparition d'une centenaire qu'on avait presque oubliée  11/11/2019

Dans la nuit du 7 au 8 novembre, une très vieille dame de 107 ans s’éteignait au 25 ter de la route des Gardes à Meudon. David Alliot, homme de lettres de son entourage et surtout spécialiste de l’œuvre de Louis-Ferdinand Céline auquel il a consacré une dizaine d’ouvrages, annonce "Lucette Destouches est décédée paisiblement cette nuit dans son sommeil". Car celle qui est morte était la veuve de l’écrivain. Née Lucie Georgette Almansor ou Lucette Almanzor son nom d’artiste, le 20 juillet 1912, rue Monge à Paris Ve. Elle était devenue Lucette Destouches le 15 février 1943 à la mairie du XVIIIe de la même ville. Ils s’étaient rencontrés en 1936 dans le studio de danse de Blanche d’Alessandri-Valdine à Pigalle. Céline s’y rendait pour voir les danseuses pour lesquelles il a toujours eu un fort penchant. Il sortait alors de sa liaison passionnée avec la danseuse américaine Elisabeth Craig rencontrée dans une librairie de Genève en 1926 quand il était médecin à la SDN, l’ancêtre de l’ONU. Il lui dédiera "Voyage au bout de la nuit". Serge Perrault, danseur à l’Opéra de Paris, connaissait alors Lucette et vantait sa beauté et sa grâce. Elle sacrifiera à Céline de 18 ans son aîné, sa carrière de danseuse, "C'est par sa bonté, immense, qu'il m'a le plus touchée" disait-elle, lui confessait "C’était ma féerie". "Lili", comme il l'appelle et qui apparaîtra sous ce nom dans trois de ses romans, "D’un château l’autre", "Nord" et "Rigodo", partagea sa vie jusqu’au bout, il meurt le 1er juillet 1961 à 67 ans. Elle a connu avec lui la fuite à Sigmarigen en juin 1944 en compagnie de l'acteur Robert Le Vigan et du chat Bébert dans la musette, l’exil au Danemark en 1945 avec des mois de prison pour l’écrivain. A leur retour en France en 1951, ils s’installent dans le pavillon "Maïtou" à Meudon. Lui, réinscrit au Conseil de l'Ordre du département qui était alors la Seine-et-Oise, exerce bénévolement la médecine pour un cercle restreint. Elle, elle ouvre un cours de danse au 1er étage, "professeur de danse classique et de caractère" indiquait une plaque, elle enseignera jusqu’à 85 ans. Ils sont entourés de leurs animaux, Bébert naturellement qui a survécu aux tribulations de ses maîtres, Toto le perroquet et bien d’autres, tous seront enterrés sur place.

Lucette Almansor est la véritable vestale du temple célinien, "C'est Céline qui importe, moi je ne suis rien", habitait toujours la maison de Meudon où il ne reste guère de souvenirs, deux incendies ayant ravagé le pavillon. Couverte de dettes, elle avait dû le vendre en 2018 à un voisin, "vente à terme avec droit d'usage d'habitation". Elle empêchera les velléités de réédition des écrits antisémites de Céline "Bagatelles pour un massacre", "L’Ecole des cadavres" et "Les Beaux Draps", puis finira par l'autoriser mais devant la polémique l'éditeur Gallimard renoncera.

Après la mort de l’écrivain qui ne quittait jamais leur domicile, elle s’émancipa quelque peu, passa son permis de conduire, acheta une voiture et fréquenta les cinémas et les théâtres. Madame Céline suivant le titre de son biographe David Alliot, fréquente assidument Arletty, Michel Simon ou Marcel Aymé aussi bien que Charles Aznavour ou Françoise Hardy notamment et jusqu’à la fin de sa vie accueillait le tout-Paris littéraire toujours enchanté d’entendre parler de l’éminent écrivain dont elle parle toujours au présent.

Elle va le rejoindre au cimetière des Longs Réages de Meudon où il repose depuis le 4 juillet 1961. Elle avait fait inscrire sous le nom de son mari "Lucie Destouches née Almansor, 1912-19...". Elle n'avait manifestement pas imaginé qu’elle survivrait près de 60 ans à son époux, au siècle suivant.






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