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Les lettres francohones à l’honneur cet automne


Par Rédigé le 09/11/2021 (dernière modification le 09/11/2021)

Mercredi 3 novembre, deux romanciers étaient récompensés, un Sénégalais inconnu du grand public avec le Prix Goncourt et l’autre, une Belge, favorite des médias avec le Renaudot.


Les lettres francohones à l’honneur cet automne
Comme le veut la tradition, la cérémonie de proclamation du Prix Goncourt s’est déroulée au restaurant Drouant et la visioconférence de l’an dernier n’est plus qu’un mauvais souvenir. C’est Mohamed Mbougar Sarr qui l’a obtenu pour "La plus secrète mémoire des hommes", son quatrième roman, paru en août dernier chez l’éditeur Philippe Rey. On a très vite déclaré que c’était une enquête labyrinthique et aussi une réflexion sur la littérature. Mohamed Mbougar Sarr l’a emporté face à Sorj Chalandon pour "Enfant de salaud", Louis-Philippe Dalembert pour "Milwaukee Blues" et Christine Angot pour son "Voyage dans l’Est". Cette dernière avait entretemps obtenu le Prix Médicis.

Mohamed Mbougar Sarr n’a que 31 ans, il a cependant été battu sur ce terrain par Patrick Grainville, Prix Goncourt 1976 à 29 ans pour "Les flamboyants" au Seuil. Cette récompense est également une consécration pour Philippe Rey en coédition avec Jimsaan de Dakar, passionné de littérature africaine et antillaise qui confie "Je suis né à l'île Maurice, j'ai grandi dans cet univers créole. Ça me prédisposait à me tourner vers ces littératures-là, de la francophonie". Et il se souvient à propos de Mohamed Mbougar Sarr "J'ai compris que j'avais affaire avec Mbougar à quelqu'un d'exceptionnel, avant même de lire le premier roman qu'il m'a apporté. En parlant avec lui, j'ai vu que c'était quelqu'un de très profond, un authentique écrivain, et que ce serait un bonheur de travailler ensemble". Et il ajoute que le roman lui est arrivé dans une première version de 700 pages qu’il a fallu réduire à 450…

Ce prix a suscité une grande joie au Sénégal où plane le souvenir du grand homme de lettres que fut Léopold Sédar Senghor. Ce même 3 novembre d’ailleurs, l’Association des écrivains sénégalais se réunissait pour préparer la 29e édition de la Journée internationale de l’écrivain africain qui a eu lieu le dimanche 7 novembre. Les messages de félicitations ont afflué et les lecteurs se sont précipités dans les librairies dont certaines sont déjà en rupture se stock. Pour sa part, le président sénégalais Macky Sall a félicité le lauréat pour cette "belle consécration qui illustre la tradition d’excellence des hommes et femmes de lettres sénégalais". Quant à la presse locale, elle n’a pas ménagé ses éloges et les titres le prouvent "Mbougar au firmament", "Le sacre d’un crack", "Mbougar, le formidable" ou "Le fabuleux destin de Mohamed Mbougar Sarr". Tel autre résume l’oeuvre "Une leçon de vie. Des mots qui sonnent comme une négation du défaitisme, de la paresse. Un refus de la fatalité".

Fils de médecin, Mohamed Mbougar Sarr est né le 20 juin 1990 à Diourbel, à 150 kilomètres de Dakar, aîné d’une fratrie de sept garçons. Il est élève au prytanée militaire de Saint-Louis, pépinière d’élites sénégalaises, puis ce seront une classe préparatoire à Compiègne dans l’Oise et enfin l’Ecole des hautes études en sciences sociales (EHESS). Il se met très vite à écrire et à publier "Terre ceinte", "Silence du chœur" chez Présence Africaine et "De purs hommes" aux Éditions Philippe Reyen coédition avec Jimsaan.

On ne s’étonnera donc pas que le héros de "La plus secrète mémoire des hommes" soit le jeune écrivain sénégalais Diégane Latyr Faye installé à Paris, il est bouleversé par la découverte d'un livre paru en 1938 "Le Labyrinthe de l’inhumain", encensé puis oublié et rejeté, actuellement introuvable et devenu mythique. Il mène son enquête à travers divers événements, le colonialisme, la Deuxième Guerre, dans de nombreux pays, l’Argentine, la France, les Pays-Bas et le Sénégal. Mohamed Mbougar Sarr s'inspire de l’étrange destin de l'écrivain malien Yambo Ouologuem, prix Renaudot 1968 pour "Le Devoir de violence". Accusé peu après de plagiat, aussi bien Graham Greene qu’André Schwarz-Bart, Prix Goncourt 1959 pour "Le dernier des justes". Yambo Ouologuem se retire à Sévaré dans son Mali natal où il meurt le 14 octobre 2017 à l’âge de 77 ans. Mohamed Mbougar Sarr reconnaît aussi l’influence de l'écrivain chilien Roberto Bolaño. Il lui emprunte d’ailleurs son titre de "La plus secrète mémoire des hommes", une citation du livre "Les détectives sauvages" paru en 1998 à Barcelone. Elle sera en exergue de son roman "Et un jour l'Œuvre meurt, comme meurent toutes les choses, comme le Soleil s'éteindra, et la Terre, et le Système solaire et la Galaxie et la plus secrète mémoire des hommes".

A noter que jusqu’au 15 décembre prochain, Drouant propose une nouvelle expérience culturelle et gastronomique, savourer le menu secret servi aux membres de l'Académie, 2021 le jour de la remise du prix. Le programme comprend au déjeuner ou au diner une coupe de champagne, dans le confidentiel salon Goncourt puis une place dans l'un des fauteuils gravés des Académiciens pour un menu de 6 services avec accords mets et vins. Chacun repart avec une édition signée du prix Goncourt 2021. Il faut compter 255€… 

Une romancière prolifique

Le prix Renaudot a été remis au même endroit par son propre jury quelques minutes plus tard. C’est Frantz-Olivier Giesbert président cette année, qui en a fait l’annonce. Amélie Nothomb a été récompensée pour son dernier roman "Premier sang" paru paru le 18 août 2021 chez Albin Michel son éditeur habituel. Elle a été élue au deuxième tour, avec six voix contre deux pour Anne Berest avec "La Carte postale" chez Grasset et une pour Abel Quentin avec "Le Voyant d'Etampes" aux éditions de l'Observatoire, lequel devait recevoir le Prix de Flore le lendemain. "Là vraiment j'ai envie de dire: papa, on a le prix!", s'est exclamée Amélie Nothomb, faisant ainsi allusion à son roman qui parle de son père Patrick Nothomb décédé l’an dernier. "Je suis folle de joie" a-t-elle avoué lors de la proclamation du résultat du vote. Elle n'avait pas été retenue dans la liste d'un grand prix depuis 2019 et sa sélection pour le Goncourt avec "Soif". Mais quel que soit le prix qu’elle reçoive ou non, ses livres se vendent toujours très bien et sont traduits dans des dizaines de langues. "Premier sang" a déjà dépassé les 100.000 exemplaires, la meilleure vente parmi les romans de cette rentrée.

Ce même 3 novembre étaient attribués le prix Renaudot essai et le Renaudot poche. Le premier est allé au critique de théâtre du Figaro Anthony Palou pour "Dans ma rue y avait trois boutiques" paru en mai dernier aux Presses de la Cité. Le second a été remis à Olivier Rony pour "Louis Jouvet" paru en janvier dernier chez Folio, une biographie du grand comédien.

Que dire d’Amélie Nothomb qu’on ne connaisse déjà tant sa présence est familière et qu’on est accoutumé à la voir ou à l’entendre. Elle a publié avec un égal succès une trentaine de livres à raison d’un à chaque rentrée, depuis le premier "Hygiène de l'assassin" en 1992. Mais elle en a écrit plus de quatre-vingt-dix d’après ses dires. Elle déclare qu’elle en achève entre trois et quatre par an. "J'’écris depuis que j’ai 17 ans, non pas du tout dans l’intention d’être écrivain, mais de façon maladive, parce que comment voulez-vous vivre sans écrire ?". Et de préciser "Les autres ne seront jamais divulgués. J'ai pris des dispositions testamentaires en ce sens".
Amélie Nothomb est née le 9 juillet 1966 à Kobé ou dans une commune bruxelloise, on ne sait trop…, son père étant diplomate, elle vit au Japon, en Chine, à New York, au Bangladesh, en Birmanie et au Laos. Elle fait des études universitaires à Bruxelles et retourne au Japon à 21 ans pour un stage d’interprète d’un an dans une entreprise locale. Expérience décevante qu’elle contera en 1999 dans "Stupeurs et Tremblements". Le 21 juillet 2015, date de la fête nationale de son pays, elle est devenue baronne par décret du roi Philippe. Ce titre l’a "fait colossalement rire". Cette même année, elle est élue à l’Académie royale de langue et de littérature françaises de Belgique, "à une grande majorité" pour "l’importance de l’œuvre, son originalité et sa cohérence, son rayonnement international" selon le secrétaire perpétuel de l’époque Jacques De Decker. En 1998, l’académie l’avait déjà distinguée pour son roman "Mercure". Elle est aussi commandeur de l'Ordre de la Couronne. On notera qu’à l’époque où l’Académie française n’accueillait que des hommes, l’Académie royale de langue et de littérature françaises de Belgique recevait plusieurs femmes de lettres françaises dont Anna de Noailles en 1921 et Colette en 1935…

Amélie Nothomb consacre "Premier sang" à son père décédé le 17 mars 2020, lors du premier confinement. Elle n’a pu se rendre à ses obsèques. "Perdre son père, c'est une épreuve (...) mais ne pas pouvoir aller à son enterrement (...) ça a été terrible". Il est le narrateur de récit écrit à la première personne. Dans les années 1940, Patrick, orphelin de père, souffre du manque d’affection de sa mère, il est envoyé au château de son grand-père paternel Pierre Nothomb, poète mais despote familial. Lors de l’avènement de l’actuelle République démocratique du Congo, jeune consul de Belgique à Stanleyville qui deviendra Kisangani, et futur père de l’auteur, est pris en otage avec des centaines de personnes en 1964. Il réussit cependant à sauver sa vie et celle des autres otages. C'est l'épisode qui ouvre le récit. L’hommage de la romancière à son père, de même que cette évocation de la famille Nothomb ont touché la critique aussi bien que les lecteurs.








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