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Bons clichés de Russie


Par Elise Venet Rédigé le 20/12/2020 (dernière modification le 20/12/2020)

Pavel Volkov est un photographe russe qui s'intéresse aux questions sociales de la Russie contemporaine, dont la jeunesse et l'armée, les courants religieux, les mouvements de contestation et d'insurrection. Il travaille en particulier sur les marges et sous-cultures présentes dans son pays, ce qui lui a valu grand nombre de récompenses. Il publie notamment pour le New York Times, Der Spiegel, le Washington Post. Interview pendant ce second confinement plein d'incertitudes.


Extrait de la série "Young soldiers"/ © Pavel Volkov
Extrait de la série "Young soldiers"/ © Pavel Volkov
- Salut Pavel, tu as grandi en Russie ? À quoi ressemblait ton enfance ?

J'ai grandi après l'effondrement de l'Union soviétique, et j'ai été jeune dans les années 2000. Je suis né dans une région industrielle de la Russie, dans l'Oural, à Nijni Taguil. J'y ai fait mes études, j'y ai obtenu un métier et j'ai travaillé dans plusieurs usines. Puis, je me suis intéressé à la photographie et j'ai commencé à étudier le photojournalisme de manière significative à Saint-Pétersbourg. Je continue de l'étudier à l'heure actuelle. J'ai récemment obtenu mon diplôme universitaire et obtenu un poste de critique d'art. J'ai également participé à divers ateliers, conférences et masterclasses. J'ai étudié à l'école danoise de journalisme. Aujourd'hui, j'apprends toujours, mais de manière plus sélective.

- J'ai vu sur ton site web que tu es ambassadeur Canon. Qu'est-ce que cela signifie exactement ? Quel impact ça a sur ton travail ?

J'ai un contrat avec Canon, nous avons certaines obligations l'un envers l'autre, nous les remplissons. Ça affecte positivement mon travail car j'ai toujours pris des photos avec un équipement Canon. Pour la marque, c'est une sorte de promotion à travers mon travail.

- Argentique, numérique, ou les deux ? Tu préfères la photographie en noir et blanc ?

Je n'ai jamais shooté sur pellicule ; je me suis intéressé à la photographie dès l'époque du numérique. J'ai essayé l'argentique, mais je ne peux pas dire que j'aime ça, donc, je n'ai pas été affecté par le passage de la pellicule au numérique. Le noir et blanc ou la couleur ne sont qu'un outil pour le photographe, au même titre que le choix d'un objectif pour une certaine prise de vue. Ce sont des outils que l'on choisit pour donner un cadre à une histoire particulière. La couleur de la photo doit avoir un sens, elle doit être justifiée par quelque chose.

J'ai réalisé des séries en couleur que je n'imagine pas en noir et blanc, et inversement, celles en noir et blanc ne peuvent pas exister en couleur. Chaque année, je prends des photos couleur et noir et blanc. Cette année, j'ai fait deux séries en couleur, par exemple.

- Peux-tu me donner des éléments de contexte pour les séries suivantes accessibles, sur ton site s'il te plaît ?

“Young soldiers’ story”. L'histoire de l'armée est venue spontanément, je travaillais pour un journal de Moscou. Nous sommes arrivés dans un endroit très coloré, une ville militaire de la province. Nous y avons vécu quelques jours une réelle immersion dans la vie locale. Ce journal sortait beaucoup de reportages sur l'armée, j'ai souvent photographié des militaires.

Et au fil du temps, il y a eu cette histoire de jeunes recrues qui venaient d'intégrer l'armée. A l'époque, c'était important car en 2015, il y a eu un conflit dans l'Est de l'Ukraine. Beaucoup de soldats ont compris qu'il y avait une certaine probabilité que les choses y tournent mal. Beaucoup craignaient d'être impliqués dans une véritable guerre. Ils m'ont même demandé comment la situation se déroulait là-bas, parce que je couvrais cette zone de conflit. Cette série parle d'excitation, d'incertitude, elle nous montre le vrai visage d'un jeune soldat, avec ses doutes et ses craintes.

Extrait de la série "Young soldiers"/ © Pavel Volkov
Extrait de la série "Young soldiers"/ © Pavel Volkov

"Maidan". Je ne peux pas appeler ça une histoire. Si je passe en revue les photos de la série, je comprends que j'aurais monté ça différemment aujourd'hui. Cette histoire est pleine de symboles pour moi. C'est une histoire sur les gens, pas sur la révolution. L'un des clichés clé pour moi est celui d'une femme âgée et intelligente qui transporte des briques pour construire des barricades. C'est un cliché décisif qui nous interroge sur ce qui aurait pu se passer après ? Qu'est ce qu'il advient des gens s'ils quand ils montent sur les barricades, préparent des cocktails Molotov, etc. ?
Extrait de la série "Maidan"/ © Pavel Volkov
Extrait de la série "Maidan"/ © Pavel Volkov

“Underground Wrestling in Moscow”. La lutte en Russie n'est pas un sport aussi populaire qu'aux États-Unis, peu de gens le connaissent. Il y a un petit public et les lutteurs louent une petite salle dans la banlieue de Moscou. Ils s'entraînent le soir et organisent eux-mêmes les spectacles. C'est une histoire de passion. Parmi les lutteurs, il y a des gens qui sont établis, qui sont prospères mais pour eux, c'est une sorte de passe-temps. Ils disent que c'est leur exutoire, leur rock'n'roll.
Extrait de la série "Underground wrestling in Moscow"/ © Pavel Volkov
Extrait de la série "Underground wrestling in Moscow"/ © Pavel Volkov

"Deportation". C'est un sujet qui est venu par hasard. Je documentais une descente des services de l'immigration pour un journal. Ils cherchaient des lieux de séjour illégaux occupés par des personnes sans papiers et sans permis de travail. Ils en ont attrapé plusieurs. Souvent, ces personnes séjournaient dans des sous-sols, des greniers, de vieilles maisons installées ou inachevées. Parfois, c'étaient des endroits qui n'étaient pas du tout destinés à héberger des gens.

Je me suis intéressé à ces gens qui sont presque des ombres et ne semblent tout simplement pas "être". La police les a arrêtés et ensuite beaucoup d'entre eux ont été déportés. Après leur expulsion, ils ne peuvent pas entrer sur le territoire russe pendant 5 ans. Il a été difficile de trouver une langue commune pour communiquer avec eux. Beaucoup ont refusé d'être photographiés et de montrer leur lieu de résidence. Je pouvais parler de réussite si je réussissais à prendre une ou deux photos lors de chaque raid.

J'ai côtoyé ces personnes assez longtemps avant de gager leur confiance. C'était juste au moment de l'attaque terroriste, quand l'avion avec à son bord des touristes qui se rendaient d’Égypte en Russie a été abattu [ndlr : le 31 octobre 2015 , l'Airbus A321 du vol MetroJet 9268, vol charter entre Charm el-Cheikh (Égypte) et Saint-Pétersbourg (Russie), s'écrase dans la péninsule du Sinaï causant la mort de 224 personnes.] En représailles, il y a eu un grand nombre de raids de police contre les personnes sans-papiers. La police s'est mise à effectuer des contrôles très stricts.
Extrait de la série "Deportation"/ © Pavel Volkov
Extrait de la série "Deportation"/ © Pavel Volkov

- La spiritualité semble également être un sujet qui retient ton attention, notamment dans les séries de photos "Pagans" et "Another Reality". Quelle est la réalité et l'ampleur du mouvement païen aujourd'hui en Russie ? Beaucoup de gens choisissent-ils de vivre leur propre orthodoxie ? Est-ce quelque chose qui te frappe personnellement ?

Dans les séries sur l'ermite et les païens, je voulais montrer le mysticisme intangible qui se crée dans ces décors. Les photos de l'ermite Yuri ne contiennent pas de mysticisme particulier, il n'y a rien de religieux, aucun arrière-plan. Il est très pragmatique, il s'est simplement installé dans la forêt et il ne se sent plus concerné par toutes sortes de choses techniques et quotidiennes. Il n'est pas dans le mysticisme. Cependant, j'ai ressenti personnellement une sorte de mysticisme à travers sa situation et c'est ce que j'ai essayé de transmettre.
Extrait de la série "Another Reality"/ © Pavel Volkov
Extrait de la série "Another Reality"/ © Pavel Volkov

Extrait de la série "Pagans"/ © Pavel Volkov
Extrait de la série "Pagans"/ © Pavel Volkov

Extrait de la série "Pagans"/ © Pavel Volkov
Extrait de la série "Pagans"/ © Pavel Volkov
En Russie, beaucoup de choses sont liées à la religion, et en particulier au christianisme. J'ai couvert un sujet sur le christianisme juste avant de travailler avec les païens. Je voulais montrer qu'il y a d'autres tendances, d'autres croyances, et qu'elles sont parfois très peu conventionnelles. J'avais d'autres idées à développer à sur ce sujet, mais il est très difficile actuellement avec la crise sanitaire de se rendre dans beaucoup d'endroits. Je voulais montrer qu'il y a des gens ordinaires qui participent à ce mouvement. En faisant cela, que des Russes ordinaires viennent de grandes villes et sont parfois emportés par de telles croyances.

- As-tu des projets de photographie à l'avenir ?

Il est difficile de planifier quoi que ce soit à l'heure actuelle. J'avais quelques idées, mais 2020 et la pandémie de coronavirus ont fait leurs propres ajustements. Je ne sais pas comment la situation va évoluer ; je vais certainement tourner quelque chose, j'ai quelques esquisses, mais rien n'est encore clair.
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