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Alphabétisation: combat contre la précarité


Par Rédigé le 09/02/2016 (dernière modification le 08/02/2016)

Albertina, petit bout de femme d'une cinquantaine d'année, vit dans la campagne de Bariloche au nord de la Patagonie argentine. Quand elle ne confectionne pas des vitraux dans son atelier, elle enseigne la lecture à des adultes analphabètes. C'est autour d'un maté qu'elle nous parle de son potager, de précarité et d'illettrisme. Rencontre.


Albertina dans son atelier au milieu de ses créations. Photo (c) Marie-Rachel Aparis
Albertina dans son atelier au milieu de ses créations. Photo (c) Marie-Rachel Aparis
albertina_1.mp3 Albertina.mp3  (134.08 Ko)

San Carlos de Bariloche, ses lacs, ses montagnes et ses paysages immenses qui incitent à la contemplation. Surnommée la "Suisse Argentine", cette petite ville cossue attire chaque année des milliers de touristes venus profiter en hiver des pistes de ski et en été de la fraicheur des lacs.

A une dizaine de kilomètres de son centre, près du lac Gutiérrez, se trouve le quartier Villa Cohuies. Ici, pas de routes goudronnées mais de la terre battue. Les maisons individuelles entourées de leurs jardins touffus abritent souvent potagers et animaux de compagnie. C'est ici que vivent Albertina, son mari, ses deux fils et leur chien.

Un certain nombre d'habitants de la Villa Cohuies vivent ou se passionnent d'artisanat: céramique, bijoux ou vitrail. Albertina estime que la plupart des gens qui habitent ici "ont, à un moment donné, fui la ville et un travail ennuyeux qui ne leur permettait même pas de vivre décemment" et d'ajouter "ici, on consomme moins, on a son propre potager, des animaux, et on fait quelques choses de ses mains".

Après neuf ans à enseigner à des enfants à l'école ou à domicile, Albertina, "fatiguée par cette carrière qui lui demandait beaucoup d’énergie", quitte l'enseignement à l'arrivée de son premier enfant. Elle se consacre alors pleinement à ses vitraux, déménage quelques temps au Brésil, puis revient à Villa Cohuies où naîtra son second fils.

Depuis quelques années, elle enseigne à des adultes analphabètes au sein de l'association Gente Nueva qui combat l’illettrisme en Argentine. Albertina remarque que "si pour les enfants l'apprentissage de la lecture et rapide et facile, pour les adultes c'est très compliqué. Il y a d'abord beaucoup d’inhibition, et le cerveau n'est pas entrainé, alors le processus et long et douloureux".

Aujourd’hui, environ 2% de la population argentine est encore analphabète. Néanmoins, depuis quinze ans l’alphabétisation est au cœur des préoccupations gouvernementales. De nombreuses associations existent et même si le procédé coute cher, les progrès se font sentir, puisqu'en quinze ans le taux d’illettrisme est passé de 2,6% à 1,9%. L'association pour laquelle travaille Albertina est présente dans tout le pays et c'est au travers de cours théoriques, d'activités artistiques ou culinaires que les intervenants aident petits et grands à accéder au monde la lecture.

"L'alphabétisation est un acte libérateur pour ces adultes qui ont presque tous évolué aux bans de la société" explique Albertina "dans la classe dont je m’occupe, toutes mes élèves sont des femmes issues de descendance Mapuche (ndlr indigène d'Argentine) elles ont la cinquantaine, ont en commun une histoire précaire, et ont souvent été victimes de violences. Elles n'ont jamais été à l'école et ont vécu l'isolement des campagnes reculées d'Argentine".

L'apprentissage de la lecture pour ces femmes est, comme l'explique Albertina, "le chemin vers l'émancipation. A un moment ou un autre, ces femmes ont décidé de tourner le dos à leur vie, à leur carcan, elle ont déménagé, parfois ont fui de graves violences, sont venus s'installer près de Bariloche et se sont décidées à apprendre à lire et écrire."

Si la plupart vivent encore d'emplois précaires ou d'allocations "la démarche est là et elle donne de l'espoir" s’enthousiasme Albertina.

Aujourd’hui, en Argentine si l'on veut bénéficier des ses allocations il faut justifier de la scolarité de ses enfants. "C'est une excellente chose, cela signifie que même chez les populations les plus pauvres, les enfants iront à l'école et donc il y aura moins d’illettrisme arrivé à l’âge adulte" explique Albertina.

Les femmes dont s'occupe Albertina ont, à cinquante ans, fait le choix courageux de prendre pour la première fois le chemin de l'école. Néanmoins, les stigmates de la précarité ne s’effacent pas aussi facilement. Pour la plupart, elles vivent dans le quartier Villa 2 de abril, un bidonville parmi tant d'autres dans le pays. Ce type de campements de fortune, appelés Villas de emergencia, abritent encore aujourd’hui 15% de la population argentine.

"C'est une réalité qu'il ne faut pas oublier, aux abords des villes les plus riches il existe encore beaucoup de misère". souligne Albertina.

Avec l'aide de sa personnalité généreuse et impliquée, Albertina participe, à son échelle, à éviter que le fossé ne se creuse encore plus. Grâce à ses cours, elle permet à ces femmes d'obtenir les outils pour espérer un avenir meilleur, si ce n'est pour elles au moins pour leurs enfants.










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